Était-ce bien nécessaire ?

par

Edward ELGAR (1857-1934)
Symphonie n° 2 en mi bémol majeur op. 63
Staatskapelle Berlin, dir.: Daniel BARENBOIM
2014-DDD-56' 01''-Textes de présentation en anglais, français et allemand-Decca 478 6677

En 1973, Barenboim avait déjà enregistré cette magistrale symphonie d'Elgar, avec le London Philharmonic Orchestra, version toute de lyrisme et d'émotion (réédition Sony 1995). Qu'en est-il 41 ans après ? Une première remarque, qui vaut pour l'ensemble de l'interprétation : les tempi, assez rapides, donnent beaucoup de pugnacité, sans doute, mais l'approche, trop sobre, évite ce romantisme tardif attendu, pourtant bien présent. Voici une vision pleine de fougue, qualité qui éclate dès le premier mouvement, dont le caractère "nobilmente", terme si cher à Elgar, est quelque peu estompé au profit de la vitalité pure. Cette légère froideur est plus rédhibitoire dans le mouvement lent, "Larghetto", grandiose et large, mais manquant de ce caractère si poignant que pouvait lui donner Barbirolli, avec son orchestre Hallé en 1954, ou encore, et plus près de nous, le grand Adrian Boult (1976). Oui, le style est noble mais trop hiératique, confinant parfois à la sécheresse. Si le "Rondo presto" est impeccable, vif et virtuose à souhait, les hésitations reprennent au finale, si complexe, long et attachant par ses multiples visages, sans doute le point culminant de la symphonie. On pense à cette citation de Shelley écrite sur la partition : "Rarely, rarely comest thou, Spirit of Delight". Cet esprit soufflait sur Barenboim en 1973, mais s'est éloigné de lui. Certes, la mise en place est excellente, et le chef met toute sa volonté de puissance, sans lourdeur aucune, au service de cette partition qu'il semble avoir en affection. Mais les tempi, à nouveau trop hâtifs, favorisent le dramatisme au détriment du lyrisme, ce qui détruit l'équilibre du mouvement, difficile à réaliser, il est vrai, et conduisent parfois à l'indifférence. Rien à dire de son orchestre, bien au point, et obéissant. Un bel enregistrement, sans doute, pour amateurs de sonorités somptueuses (prise de son Decca, tout de même !), mais qui ne va pas, dans l'émotion, aussi loin que Boult et, surtout, Barbirolli. En fait, Barenboim aurait dû en rester à sa première version.
Bruno Peeters

Son 10 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation 8

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