Excellent quatuor, mièvre quintette

par

Johannes BRAHMS (1833 – 1897)
Quatuor à cordes en la mineur op. 51 n°2 – Quintette avec clarinette en si mineur op. 115

Jerusalem Quartet (Alexander Pavlovsky, 1er violon – Serge Bresler, 2e violon – Ori Kam, alto – Kyril Zlotnikov, violoncelle), Sharon Kam (clarinette)
2013-DDD-71'12''-Textes de présentation en français, anglais, allemand-Harmonia undi HMC 902152
Si l'ombre de Beethoven paralysait Brahms, c'est dans la musique de chambre que ses craintes semblaient le plus se manifester. Après deux décennies de travail acharné suite aux recommandations de son mentor Robert Schumann, un travail qu'il répudiait aussitôt fait, c'est seulement à l'été 1873 qu'il confia enfin à l'éditeur les deux premiers quatuors à cordes dont il se disait satisfait. Il avait alors quarante ans. S'il eut pû entendre les propos de Schoenberg, il eut été rassuré ; dans son ouvrage Le style et l'idée, s'attardant sur l'opus 51, le maître viennois voyait en la « prose musicale » de Brahms une oeuvre qui ouvrait les portes de la musique du XXe siècle. Brahms s'affranchit ici des cadres périodiques rigides pour laisser les thèmes se développer librement et créer eux-mêmes la forme ; pour reprendre les termes de l'excellent livret de Roman Hinke, « les thèmes croissent d'eux-mêmes de manière organique comme les branches d'un arbre ». Du point de vue harmonique également, les trouvailles ne sont pas rares. Bien que les quatuors de l'opus 51 soient tous deux en tonalité mineure et semblables en terme de technique de composition, le second quatuor que nous trouvons ici dégage plus de lumière que le premier, plus habité d'une agitation dramatique. Quant au quintette avec clarinette composé beaucoup plus tard (en 1892) suite à la rencontre du magnifique clarinettiste Richard Mühlfeld, il reste l'emblème d'une nostalgie profonde et sereine avec ses plages vibratoires au sein d'un espace infini. La Quatuor Jerusalem se fond dans l'univers brahmsien, ses interrogations et ses doutes, ménage le juste équlibre entre le contrepoint et l'harmonie qu'il magnifie de ses sonorités lumineuses. On comprend moins l'implication de la clarinettiste Sharon Kam qui se joint timidement, trop, à l'ensemble ; on y perd la saveur des couleurs.
Bernadette Beyne

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 7,5

 

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