Feu, larmes et volupté

par

LAMENTO
Giacomo CARISSIMI, Claudio MONTEVERDI, Francesco PROVENZALE, Luigi ROSSI, Barbara STROZZI, J.H. KAPSBERGER, Girolamo FRESCOBALDI
Romina BASSO, mezzo-soprano, LATINITAS NOSTRA
2014-1h04-Présentation en français, anglais-Textes en français, anglais, italien-Chanté en italien-Naïve V5390
A la première écoute, ça intrigue ; à la deuxième, on est captivé ; à la troisième, on admire et même on s'enthousiasme... C'est que ce « Lamento », mené véhementissimo par la mezzo Romina Basso et l'ensemble Latinitas nostra, ne laisse pas un instant l'attention se distraire. Une traversée de houles et de tempêtes, fouettée des rafales du continuo, dans la meilleure tradition rhétorique du bel canto. Audace des dissonances, vertige des résolutions, puissance d'une pulsation fiévreuse faite d'élans et de détentes... la musique est au service de l'expression et d'elle seule. Et quelle variété d'affects ! Le lamento ne se réduit pas aux larmes. Véritable célébration amoureuse, cette forme de cantate se prête aussi bien à la fougue, à la noblesse, qu'aux imprécations comme à l' extrême douceur voire à la parodie comique (index 5). La cantatrice pratique l'art du « parlar cantando » de la Camerata Bardi comme une langue maternelle assouplie par la discipline, la plasticité et la réactivité du chant rossinien. En bonne Italienne, tout à la fois femme engagée, volontaire, voluptueuse, merveilleusement amoureuse et par moment harpie, elle sait jouer du velours de son timbre comme des raucités imprécatoires. Mais aussi, et à côté des moments tragiques, s'installent de douloureuses prières, susurrées par un cœur dolent, une âme en peine, un tragique imprévu. Alors, entre ces extrêmes on voit se déployer une « exagération » latine qui peut surprendre certaines oreilles mais n'en reste pas moins typique de la Péninsule. Et l'ensemble instrumental grec -qui fait corps avec la mezzo Romina Basso- « Latinitas nostra » se revendique un tel. Répertoire né, d'ailleurs, d'une autre urgence: celle de l'Histoire où les affres de la Contre-réforme suscitèrent tant de chefs d’œuvre et où notre présent trouve de si inquiétants échos. On pourra revivre avec ces « musiciens de l'extrême », les affres de la reine Marie Stuart devant le bourreau, les plaintes d'Ariane abandonnée ou les larmes scintillantes d'audaces musicales de la compositrice Barbara Strozzi, grâce au présent enregistrement mais aussi, à Paris, le 6 novembre prochain, à l'Oratoire du Louvre (Les Concerts Parisiens).
Bénédicte Palaux Simonnet

Son 9 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprtation 10

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