FLEURS qui embaument…

par

FLEURS  Jean Wiéner, Les Chantefleurs  /Darius Milhaud, Catalogue de fleurs, op.60 /Erik Satie, Les Fleurs (extrait  de Trois autres mélodies) /Arthur Honegger, Nature morte, H 11 /Lili Boulanger, Deux Ancolies (extrait de Clairières dans le ciel) /René de Buxeuil, L’Âme des roses   Melody Louledjian, soprano – Antoine Palloc, piano   enregistré à l’Institut Rosey à Rolle du 19 au 22 mars 2019. 60’02   Livret en français et en anglais avec le texte des mélodies en français et en anglais. AP 230 

Quel titre judicieux pour le premier récital de Melody Louledjian ! Car son timbre fruité de soprano lirico leggero irise de mille diaprures le jeu velouté du pianiste Antoine Palloc.  Celui qui assista aux représentations de La Vie parisienne de décembre 2016 à l’Opéra de Lausanne ne peut oublier l’abattage scénique qu’elle conféra à Gabrielle la Gantière. Puis au Grand-Théâtre de Genève, elle fit valoir sa maîtrise de la coloratura la plus échevelée lorsqu’elle campa la Princesse Elsbeth de Fantasio ou Luigia, la seconda donna de Viva la mamma.

Pour ce premier enregistrement de récital, le choix du programme est aussi innovateur que fascinant. Car il est essentiellement constitué par Les Chantefleurs, un recueil de miniatures poétiques de Robert Desnos mis en musique par Jean Wiéner en 1954. Il s’agit effectivement de miniatures puisque la plus longue, l’évocation de la renoncule, dure 1’40 en s’étirant en un blues langoureux sous l’égide de Coco Bel-Œil, le marchand de couleurs, alors que la plus brève, la lavande, n’est qu’une danse de 19 secondes. Dans la plaquette de  présentation, Alain Duault insiste sur la difficulté de caractériser chaque fleur, quand l’assonance cocasse unit la marjolaine et la verveine, la giroflée et le jardin de Viroflay, le souci et le sourcil. Le Poulenc des ‘gars qui vont à la fête’ se profile derrière le seringa, la perce-neige ou le tournesol soleil en terre quand le Satie de la Première Gymnopédie sourit sous la valse lente dessinant l’angélique et le cyclamen. Mais que de sarcasmes pour la tulipe et la capucine, alors que l’on frise l’ironie cinglante pour ensevelir le rhododendron et l’edelweiss ! Et l’on sourit devant les allitérations liant Monsieur de la Palice, le lis, l’amaryllis, le volubilis et la mélisse. Mais la voix sait filer ses aigus pour suggérer la tristesse de l’iris et du myosotis, l’anxiété de la jacinthe, les relents archaïsants du chèvrefeuille et de la marguerite, tout en s’encanaillant avec les effluves jazzy du mimosa et de la capucine. Et le livre se referme avec le coucou des bois et des jardins que l’on viendra cueillir demain…

Face à l’inventivité de Jean Wiéner, que paraît alambiqué le Catalogue de fleurs élaboré en 1920 par Darius Milhaud sur de tout aussi brèves strophes de Léon Daudet, le fils de l’auteur de L’Arlésienne. Même si le canevas pianistique paraît plus consistant, l’écriture vocale jongle sur les cassures de registre en faisant perdre l’intelligibilité du texte. Par contre, s’avèrent d’un abord plus immédiat Les Fleurs, la complainte qu’Erik Satie concocta en 1886 en la nimbant d’harmonies subtiles ainsi que la Nature morte d’un Arthur Honegger de vingt-cinq ans enrobant d’un tour énigmatique les quelques vers où se glisse une fleur mauve qui n’a pas de nom. Mélancolie rime avec ancolies selon Lili Boulanger qui tire une expression pathétique de deux quatrains de Francis Jammes miroitant sur un canevas pianistique d’une rare fluidité. Et c’est sur le frémissement d’une valse languissante de 1924, L’Âme des roses de René de Buxeuil, que s’achève ce recueil concluant en points de suspension avec les vers Car dans le secret des roses /Une âme de femme est enclose /Et c’est elle qui souffre /Quand on fait mal aux roses…

Son : 8   Répertoire : 10   Livret : 10  Interprétation : 9

Paul-André Demierre

 

 

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