Francesco Piemontesi dialogue avec Jonathan Nott et l’OSR    

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Maurice Ravel  (1875-1937)  : Concerto pour piano ; Olivier Messiaen (1908-1992) : Oiseaux exotiques  ; Arnold Schoenberg (1874-1954) : Concerto pour piano et orchestre op.42.  Francesco Piemontesi, piano. Orchestre de la Suisse Romande, direction :  Jonathan Nott   2020-2021.Livret en anglais. 57’11''. Pentatone PTC 5186 949

Au cours de ces dernières saisons, le pianiste tessinois Francesco Piemontesi a figuré assez régulièrement à l’affiche des concerts de l’Orchestre de la Suisse Romande. Il était même l’artiste en résidence de la saison 2020-2021. Mais à cause de la pandémie qui a annulé une grande part de ses prestations, une seule de ses interventions s’est faite face à un public. L’Orchestre et son directeur musical, Jonathan Nott, ont décidé toutefois de réaliser avec lui un CD pour la firme Pentatone, en enregistrant trois pages marquantes du XXe siècle.

L’intérêt se porte immédiatement sur la moins connue, Oiseaux exotiques pour piano solo et petit orchestre d’Olivier Messiaen.Ecrite entre octobre 1955 et janvier 1956 en réponse à une commande de Pierre Boulez pour le Domaine Musical, l’œuvre fut créée au Petit Théâtre Marigny le 10 mars 1956 par Yvonne Loriod sous la direction de Rudolf Albert. De cette pièce d’une quinzaine de minutes, le compositeur lui-même disait : « Plus que la forme, plus que les rythmes, plus que les timbres, il faut entendre et voir dans mon œuvre des sons-couleurs ».  Et c’est bien l’impression que nous procure ce kaléidoscope livrant une myriade de coloris éclatants, au détriment d’une évocation de volatiles de tous les pays. En réponse au glockenspiel, xylophone, wood-block ou tam-tam, le pianiste profite des cadenze pour glisser une note interrogative à grand renfort de gruppetti enchaînés amenant une pluie d’arpèges alors qu’éclate l’orage. Le dialogue se resserre en un fauvisme sonore qui accumule les traits rapides afin de constituer une volière bruyante que fera taire une coda en accords massifs.

Autre ouvrage fascinant sortant des sentiers battus que le Concerto pour piano et orchestre op.42 d’Arnold Schoenberg. Elaboré durant l’automne de 1942 aux Etats-Unis, il était curieusement conçu pour Oscar Levant, son élève de composition, qui se désista en lui préférant Gershwin et ses succès à Hollywood. Et c’est finalement Eduard Steuermann qui en assurera la création à New York sous la direction de Leopold Stokowski, deux ans plus tard. Ici, dès les premières mesures de l’Andante, Francesco Piemontesi cultive une poésie intimiste empreinte de nostalgie, amplifiée par l’orchestre qui corse graduellement le discours pour parvenir à un Molto allegro tempétueux strié de traits véhéments. L’Adagio médian tient de la méditation désolée où le solo glisse une lueur d’espoir en modelant un trille lent. La progression du tutti finit par se désagréger avec les formules interrogatives du piano qui opte pour une surprenante nonchalance dans un Final, en apparence dégingandé. L’orchestre y ébauche une marche étrange que le clavier dynamisera afin de conclure par une stretta virtuose.

Face à ces deux raretés, le Concerto pour pianode Maurice Ravel est un classique créé aux Concerts Lamoureux le 14 janvier 1932 par Marguerite Long sous la baguette du compositeur. Ici, tant la direction de Jonathan Nott que le soliste évitent l’effet clinquant pour soigner le détail et mettre en valeur l’expression des bois dialoguant avec un piano qui cultive la clarté de jeu par la fluidité des arpèges et qui aseptise les inflexions jazzy afin de laisser sourdre une nuance de tristesse. La cadenza est d’un intimisme poétique dont la ligne mélodique est embuée de trilles liquides que bousculera la coda rapide. Dans un pianissimo à fleur de clavier, l’Adagio assai tient de la confession émouvante qui ne tolère qu’un fugace mezzo forte au sommet du crescendo, avant de laisser chanter le cor anglais sous les sextolets du solo, à peine susurrés. Et pour le Presto final, le pianiste laisse la part belle aux vents en se mettant à l’arrière-plan ; néanmoins, il reprend rapidement les rênes pour conclure brillamment.

En résumé, le témoignage d’une collaboration réussie entre un soliste de premier plan et un orchestre fascinant.

Paul-André Demierre

 Son : 9   Répertoire : 10  Livret : 5   Interprétation : 9

 

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