« Gypsy » de Jule Styne, une comédie musicale savoureuse et réjouissante

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Gypsy  est une comédie musicale de Jule Styne, créée en 1959 sur un livret d’Arthur Laurents et des paroles de Stephen Sondheim. Jule Styne a connu le succès à Broadway dès 1947 avec notamment « Les Hommes préfèrent les blondes »,  Funny Girl  ou encore  Sugar  d’après le film  Certains l’aiment chaud. Arthur Laurents était « une légende vivante ». Stephen Sondheim écrira les paroles des lyrics de  West Side Story. Voilà donc « trois bonnes fées » qui se sont penchées sur le berceau de « Gypsy ». On comprend sa réussite. L’œuvre a même été qualifiée de « mère des comédies musicales ».   

Son livret est librement inspiré des mémoires d’une artiste célèbre du « burlesque » (aux Etats-Unis, ce sont des spectacles où le strip-tease est mis en contexte scénique), Gypsy Rose Lee (1911-1970), qui raconte comment sa mère Rose a tout fait pour que sa sœur Louise et elle-même réussissent, triomphent, dans le monde du Musical. Une mère au tempérament, à l’énergie, au jusqu’au-boutisme, aux ruses incroyables. Un sacré personnage donc, idéal pour devenir à son tour l’héroïne d’une comédie musicale.

Ce qui est étonnant, c’est que cette œuvre n’avait pas encore été montée en France ! C’est dorénavant chose faite, et bien faite. Laurent Pelly, dont on connaît les réussites dans le monde de l’opéra, l’a mise en scène ou plutôt nous en propose une version semi-scénique, emballante. Les quarante-cinq musiciens des Frivolités Parisiennes sont répartis sur le plateau au milieu de passerelles et d’escaliers (un dispositif scénographique dû à Massimo Troncanetti) qui sont les espaces de jeu et de chant des interprètes. Le tout immergé dans les lumières expressives de Marco Giusti.  Des panneaux qui défilent, deux ou trois chaises, quelques valises, une tête de vache ( !) et des vêtements « typiques » suffisent à situer les différents lieux et situations. Une sobriété significative, l’essentiel étant dans la mise en place des interprètes et dans leurs performances.

La mise en scène de Laurent Pelly est cette fois encore inventive : il a l’art du geste, de l’attitude, de la mise en espace qui caractérisent les personnages et leurs relations ; il sait créer la surprise et surtout, il inscrit tout cela dans le rythme soutenu nécessaire. Ajoutons que sa complice au long cours, Agathe Mélinand, a pertinemment traduit en langage d’aujourd’hui les dialogues des personnages. 

Quant à l’orchestre des Frivolités Parisiennes, rendant grâce aux qualités d’ensemble et de détails de la partition, il a répondu avec talent, engagement et précision aux sollicitations de son chef : Gareth Valentine, qui nous a prouvé que c’est à juste titre qu’on a pu le qualifier de « référence dans le monde du musical anglais ».

Les interprètes se sont manifestement beaucoup amusés à endosser leurs personnages et à vivre les péripéties qui les agitent. Quelle énergie talentueuse dans le jeu, dans le chant, dans la danse (la chorégraphie est de Lionel Hoche) ! Quel bonheur de retrouver Natalie Dessay dans pareille aventure, toujours aussi joliment « espiègle ». Sa Rose est plus vraie que vraie. Neïma Naouri-sa fille Louise dans le récit… est aussi sa vraie fille dans la vie. Elle aussi se multiplie, voix et jeu corporel, présence. Tout comme Medya Zana-June l’autre fille. Daniel Njo Lobé est Herbie, l’amoureux-organisateur efficace, canalisant comme il le peut sa Rose déferlante. Antoine Le Provost-Tulsa, l’amoureux de June, danse, claquette, chante, joue. Leurs partenaires sont les satellites indispensables au bon déroulement de cette saga. Avec une mention particulière pour les (vrais) enfants qui incarnent Baby June, Baby Louise et les Newsboys.

Dimanche, la place Stanislas à Nancy était splendidement éclairée par les beaux rayons d’un soleil hivernal. La salle de l’Opéra, elle aussi, était illuminée… par les sourires radieux du public.

Nancy, Opéra de Nancy, 2 février 2025

Stéphane Gilbart

Crédits photographiques : Jean-Louis Fernandez


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