Harvey Hope pour guitare et… orgue : l’anniversaire inattendu

Inspiracja : Hope. Harvey Hope (1943-2014) : Mercado de la Mañana [Concertino De Madrugada, Op.56 ]. Love Song Op. 54. Four New Folk Songs Op. 57. Fantasie Op. 55. Maciej Zakrzewski (*1988) : Hope. Joy of Creation. There is always Hope. Maciej Zakrzewski, orgue. Mateusz Kowalski, guitare. 2024. 68’02. CD Requiem Records, Opus Series 102.

En grasse capitale d'imprimerie sur la couverture, « Hope » peut renvoyer à la notion d'espoir en anglais, mais désigne en l'occurrence le patronyme de ce musicien anglais qui nous a quittés voilà dix ans jour pour jour, le 27 décembre 2014. Guitariste, compositeur, pédagogue, conférencier, chroniqueur (il collabora à la revue Classical Guitar depuis le premier numéro d’octobre 1982 et jusque 2002). Aussi collectionneur avisé, possédant une palette d’instruments historiques des XVII^e et XVIII^e siècles qui passait pour une des plus prestigieuses au monde. Une vocation patrimoniale qu’il déploya dès le début de sa discographie à la fin des années 1970, dont témoignent ses vinyles Baroque Guitar et All' Illustrissimo Signor chez le label Response Records. Pour son album consacré au répertoire classique français, il employa trois spécimens attribués à l’emblématique dynastie parisienne de luthiers Voboam. Et pour son incursion dans le recueil La Guitarre Royalle de Franceso Corbetta (1615-1681), récemment visité par Simone Vallerotonda, Hope sollicita un instrument fait par Joachim Tielke pour Louis XIV.

Parmi ses nombreuses tournées et récitals, Harvey Hope se produisit souvent en Pologne, ce qui expliquerait l’engouement en ces contrées septentrionales lors de récentes manifestations. Il était à l’affiche du festival silésien Śląska Jesień Gitarowa en 2022, et déjà à l’honneur à Szczecin en juin 2021, sous les doigts de Jakub Kościuszko. C’est pour un label de cette baltique cité (QBK SmallGreatMusic) que ce guitariste, accompagné par Szymon Morus et l’orchestre de Radom, enregistra un programme entièrement voué à Hope, partageant trois opus avec le présent disque, –les derniers dans le catalogue du compositeur qui laisse un œuvre laconique et inachevé, aux bons soins de Dorota Naruk, laquelle a d’ailleurs assuré la production exécutive du CD.

Dépourvu de tout livret (on se refuse donc de coter la valorisation éditoriale, sous peine d’être désobligeant), ce digipack ne gâche pas le papier, avec son QR code qui renvoie à une webpage dont les quelques informations doublonnent celles sur les volets intérieurs. On aurait a minima apprécié une note d'intention qui explicitât le projet, les pièces, et que l'orgue fût nommé et présenté. En l’occurrence, une tribune de Katowice, non le tout nouveau géant de l’auditorium de la Radio, mais l’orgue de la Filharmonia Śląska, situé dans une salle rénovée il y a une dizaine d’années, rebaptisée en 2011 à la mémoire de Henryk Mikołaj Górecki (1933-2010).

Un tiers du parcours fait entendre l’orgue en solo, au gré d’improvisations et d’une transcription des Four New Folk Songs, dont les effluves populaires se trouvent mieux cristallisés dans l’original pour guitare : n’aurait-on pu les laisser à Mateusz Kowalski ? Maciej Zakrzewski a aussi signé un convaincant arrangement de la Fantasie et de la troisième partie du concerto intitulé « Au petit matin » : une scène de marché manifestement inspirée de Joaquín Rodrigo (1901-1999) et de sa célébrissime évocation du palais d’Aranjuez. L’organiste polonais, dont nous avions sondé l’imaginaire dans son duo avec l’accordéon de Paweł A. Nowak, est aussi l’auteur de l’hommage (There is always Hope) qui conclut ce disque par un triptyque relevant d’une poésie méticuleusement dosée. Les climats s’y incarnent dans une captation où les micros de Paweł Ożga cernent parfaitement balance et perspective entre cordes et tuyaux.

Christophe Steyne

Son : 9 – Livret : Ø – Répertoire & Interprétation : 6-8

Maciej Zakrzewski – Mateusz Kowalski