Hautes ambitions
Zoltán Kodály (1882-1967) : Budavári Te Deum ; Psalmus Hungaricus, Op.15 ; Béla Bartók (1881-1945) : Danses de Transylvanie, Sz.96 ; Cantata Profana, Sz.94. Luiza Fatyo et Cosmina Gabor, sopranos ; Roxana Constantinescu et Melinda Duffner, mezzo-sopranos ; Marius Vlad, Ioan Hotea et Lorant Barta, ténors ; Bogdan Baciu et Ruben Ciungan, barytons. Junior VIP, direction : Anca-Monca Mariaş ; Transylvania State Philharmonic Choir, direction : Cornel Groza ; Transylvania State Philharmonic Orchestra, direction Lawrence Foster. 2022. Livret en anglais, hongrois et roumain. 64’14’’. Pentatone PTC 5187 071.
Né de parents roumains, le chef d’orchestre Lawrence Foster s’est particulièrement investi en Roumanie. Si l'on connait son travail exemplaire au service de notre connaissance de l'œuvre de George Enescu au pupitre de l'Orchestre Philharmonique de Monte Carlo pour Erato et EMI, le musicien a également assuré la direction du prestigieux Festival George Enescu de 1998 à 2001. Il est un invité régulier de l’Orchestre Philharmonique de Transylvanie dans la belle ville historique de Cluj-Napoca avec lequel il a enregistré des albums pour Pentatone.
Lawrence Foster nous propose aujourd’hui un programme des grandes œuvres chorales de Zoltán Kodály et Béla Bartók. L'idée est pertinente car les deux compositeurs ont arpenté la Transylvanie au fil de leurs pérégrinations ethnomusicologiques et les thèmes et mélodies de cette région se sont diffusées dans leurs oeuvres : les Fileuses de Transylvanie de Zoltán Kodály ou les Danses de Transylvanie de Béla Bartók, présentées sur cet album.
La discographie de ces oeuvres est marquée par de grandes références : Georg Solti (Decca), Antal Doráti (Decca et Hungaroton), Iván Fischer (Hungaroton), Ferenc Fricsay (DGG), István Kertész (Decca) dans Zoltán Kodály et Pierre Boulez (DGG), Iván Fischer (Philips) et Georg Solti (Decca) dans Béla Bartók. En chef de grande expérience, Lawrence Foster ne cherche pas rivaliser dans la pureté brute et minérale des interprétations citées. Le fini instrumental des pupitres du valeureux Transylvania State Philharmonic Orchestra ne peut se comparer en précision avec ceux de l’Orchestre du festival de Budapest (Solti) ou du Chicago Symphony Orchestra (Boulez). Lawrence Foster recherche une énergie primesautière et brute. On apprécie des Danses de Transylvanie de Bartók, acidulées et bourrues. La Cantata Profana de Béla Bartók abandonne la puissance tellurique et la froideur technique de Pierre Boulez et l'acuité de Georg Solti pour une énergie communicative et plus terrienne. Il en va de même avec des Kodály construits avec sagesse et compétences mais dans une lecture sans arrière-pensées démiurgiques ou pan-nationalistes. La musique pour la musique triomphe de la charge émotionnelle de ces œuvres. Les solistes vocaux sont valeureux, unis par une sorte d'esprit de troupe ou personne ne cherche à tirer la couverture sur soi. On regrette malgré tout le manque d’impact. On peut également faire ce reproche aux chœurs, valeureux, colorés et vaillants, mais qui manquent de puissance, de projection et d'homogénéité.
Dès lors, ce disque est sympathique en soi car le programme est attachant et l’ambition très haute, mais ces partitions restent redoutables techniquement. On pourra en rester aux références citées.
Son : 9 Notice : 8 Répertoire : 10 Interprétation : 6/7
Pierre-Jean Tribot