Het Collectief, transfigurations viennoises

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Nos compatriotes de l'excellent ensemble Het Collectief font paraître chez Alpha un nouvel album intitulé Transfigurations. Cette parution propose des transcriptions pour 5 musiciens d'œuvres d’Arnold Schönberg et Alban Berg. A cette occasion, Thomas Dieltjens, le pianiste de l’ensemble Het Collectief répond aux questions de Crescendo-Magazine.  

Votre nouvel album se nomme “Transfigurations”, pourquoi ce titre ? 

Le titre a deux sens ! D'une part, il fait référence à l'une des œuvres de cet album : La Nuit Transfigurée. D'autre part, le titre insinue que toutes les œuvres du disque sont jouées dans une version arrangée. Elles ont en quelque sorte subi une transformation, une transcription, une transfiguration. Le titre peut être lu en français et en anglais, ce qui le rend très adapté à un large public.

L’album propose des transcriptions d'œuvres de Schönberg, Webern et Berg. Pourquoi avoir choisi des transcriptions ? 

Het Collectief est avant tout un groupe de musique de chambre. Lorsque nous avons fondé le groupe en 1998, notre premier souhait était de jouer la  Symphonie de chambre n°1, opus 9 de Schönberg dans la version de Webern. Le groupe aime l'énergie du dialogue et de la confrontation directe dans ces petits effectifs non dirigés. Avant tout, nous avons dû constater la très haute qualité de la transcription. De plus, les différentes couleurs instrumentales et la petite échelle font ressortir certains aspects des compositions plus fortement que dans les versions originales. En conséquence, ces versions ont acquis de plus en plus de poids dans le répertoire. 

Si les transcriptions des 2 partitions de Schoenberg sont l'œuvre de contemporains du compositeurs (le pianiste Eduard Steuermann et le compositeur Anton Webern), la transcription de la Sonate pour piano de Berg est une réalisation du jeune compositeur Tim Mulleman. Est-un hasard de la programmation ou un choix délibéré de proposer ce contrepoint contemporain en miroir aux grands aînés ? 

Non, ce n'est pas un hasard. La Sonate pour piano de Berg est née de la grande admiration de Berg pour la  Symphonie de chambre n°1 de Schönberg. La sonate pour piano présente donc des similitudes harmoniques et motiviques assez frappantes. En utilisant les mêmes instruments que dans la transcription Webern de l'opus 9 de Schönberg, on rapproche encore plus les deux œuvres. Le timbre, pour ainsi dire, aide l'auditeur à considérer les deux morceaux en ligne l'un avec l'autre.

 J'ai vu sur votre site internet que vous allez interpréter Pelléas et Mélisande de Schoenberg dans un arrangement de Levi Hammer. Est-ce ce sera un défi particulier de rendre, en effectif chambriste, toutes les facettes du très grand orchestre ?  

Entre-temps, nous avons pu jouer l'œuvre à quelques reprises. La transcription est très bien faite et est équilibrée dans l'instrumentation. Le défi dans toutes les transcriptions de cette nature est généralement le même : chaque voix étant traitée en solo, l'équilibre entre les cordes et les vents doit faire l'objet d'une attention particulière. Dans l'original, le groupe de cordes est bien sûr beaucoup plus grand, de sorte que l'équilibre avec un groupe relativement plus petit de vents est plus naturel. Dans la transcription, seuls 5 joueurs de cordes doivent se défendre contre un groupe de 7 joueurs de vent, dont 2 cors.

Un avantage majeur de la petite instrumentation est la transparence du contrepoint, et donc l'intelligibilité générale. En terme de volume il n'y a aucun problème, même avec 13 musiciens les climax sont très convaincants.

 L’esthétique viennoise “fin de siècle” occupe une grande part de la discographie de Het Collectief. Qu’est-ce qui vous guide vers ces univers sonores ? 

D'abord et avant tout la pure magie de cette musique. Mais cela va encore plus loin : c'est la musique d'une époque d'énormes bouleversements de société. La menace d'une première guerre mondiale, l'empire des Habsbourg comme première expérience d'une société multicolore en Europe. En tant que groupe de musique de chambre bruxellois, c'est une période fascinante, dans notre propre ville nous voyons des similitudes avec cette période à la fois artistiquement (art nouveau, symbolisme,..) et politiquement.

La musique de cette période dégage une forte nostalgie du romantisme, tout en voulant s'en détacher. La lutte intérieure qui en résulte se traduit par une tonalité de plus en plus sous pression, rendant la musique aussi révolutionnaire que l'époque à laquelle elle a été créée.

Transfigurations. Arnold Schönberg (1874-1951) : Verklärte Nacht, Opus.4 (transcription d’Eduard Steuermann) ; Kammersymphonie, Op.9 (transcription d’Anton Webern) ; Alban Berg (1885-1935) : Sonate pour piano en si mineur, Op.1 ( transcription de Tim Mulleman) ; Adagio du Kammerkonzert. Het Collectief. 2020-2021. Livret en français, anglais et néerlandais. 72’43’’. Alpha 867.  

Propos recueillis par  Pierre-Jean Tribot

Crédits photographiques : DR

 

 

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