Huit chefs pour le Berliner Philharmoniker

par
Berliner

Berliner Philharmoniker Great Symphonies
Voici une jolie idée de cadeau pour un apprenti mélomane. Sur fond d'orchestre irréprochable et légendaire, sept chefs se livrent à un répertoire symphonique "de base" imprimant chacun sa touche à l'orchestre.

Il est intéressant de noter que, si ce n'est Claudio Abbado et Herbert von Karajan, aucun de ceux que l'on retrouve ici n'ont été chef attitré de l'orchestre. Assez logique évidemment quand on sait que Herbert von Karajan monopolisa le poste de 1955 à 1989; le maestro avait exigé un contrat "à vie". Les grands chefs ne pouvaient donc n'être qu'invités, certains plus privilégiés que d'autres. Ainsi Eugen Jochum (1902-1987) qui pendant un demi-siècle effectua de nombreuses tournées avec l'orchestre et fut le chantre des neuf symphonies de Bruckner dans leur version originale. Il en réalisa l'intégrale avec la Staatskapelle de Dresde et, pour Deutsche Gramophon, avec l'Orchestre de la Radio Bavaroise et le Berliner Philharmoniker. Nous le retrouvons ici dans l'enregistrement de la 7e Symphonie réalisé en 1952, une version mono donc qui semble amplifier la dramaturgie de l'oeuvre, son intériorité profonde. Les 5e et 7e Symphonies de Beethoven sous la baguette de Ferenc Fricsay interpellent tout d'abord par leurs tempi d'une lenteur peu commune ; mais quelle richesse des détails ! quelle atmosphère d'inquiétude ! Quel destin ! Une atmosphère apaisée pour l'"Apothéose de la danse" comme la caractérisait Wagner.
Le versant sombre du choix des oeuvres, nous le retrouverons avec la 6e Symphonie, "Pathétique" de Tchaikovski sous la direction d'Igor Markevitch, spécialiste du compositeur dont il enregistra l'intégrale des symphonies -dont celle-ci est la dernière- avec le London Symphony Orchestra. Maître d'oeuvre de l'Orchestre des Concerts Lamoureux, alors le meilleur orchestre de France, Markevitch était souvent invité à Berlin. Il y a chez ce chef une urgence de dire qui prend indéfectiblement aux tripes, un sens des crescendo, de la tension qui donne à cette 6e toute sa noblesse, toute sa force. Un enregistrement de 1953.
Si Karajan est resté 34 ans au Berliner, Bernard Haitink est resté 27 ans à l'Orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam. Peu, en comparaison de son mentor Willem Mengelberg qui a donné à l'orchestre ses titres de gloire durant les 50 années de son règne. L'orchestre amstellodamois et Mahler ont toujours fait bon ménage. Ici, c'est la 5e Symphonie du compositeur autrichien que propose Haitink en 1988. Haitink dirigeant Mahler, c'est la précision de Boulez sous une baguette de velours; rien de brutal, un sens inouï du détail qui prend forme en s'intégrant parfaitement à l'ensemble. Une parfaite réussite.
Nous retrouvons ensuite Carlo Maria Giulini qui, en 1986, enregistra, dans la salle de la Philharmonie de Berlin à la fantastique acoustique la Symphonie en ré mineur et le 4e mouvement (allegretto modéré) du poème symphonique Psyché du compositeur liégeois César Frank, révélant ici tout l'imaginaire de son orchestration. Giulini est familier de Frank qu'il donna souvent en concert. Sa vision est très intériorisée, interrogeant l'oeuvre à tout moment pour porter aux sommets ses contrastes d'ombre et de lumière.
On est moins séduit par la version des Symphonies n°4 ("Italienne") et n°5 ("Réformation") de Mendelssohn par Loorin Maazel. Un enregistrement de 1961. Où sont la grâce du "Mozart romantique", l'envolée de ses traits, leur volupté, leur lumière, leur délicatesse, leur finesse ? Oui, l'orchestre est somptueux mais le velours est un peu épais pour souplement se mouvoir.
On terminera ce petit tour au coeur du Berliner Philharmoniker par deux de ses chefs : Claudio Abbado qui, huit ans après sa prise de fonction à la tête de la phalange (il succéda à Karajan en 1989), enregistra l'Ouverture de concert "Othello" op. 93 et la 9e Symphonie ("Nouveau Monde") de Dvorak. Soyeux des cordes, souplesse du chant, suprême soin des vents, chaleur de la couleur orchestrale, grand soin aussi de la dynamique, tout ce que nous a donné Abbado durant ses treize années de complicité avec l'orchestre.
Last but not least, c'est en 1981 qu'Herbert von Karajan enregistra la colossale et célèbre 3e Symphonie de Saint-Saens, celle qui a fait longtemps oublier toutes les autres avant que Jean Martinon ne réalise l'intégrale des 5 opus pour EMI. Karajan prend en mains cette symphonie avec orgue dans laquelle Pierre Cochereau témoigne de fulgurance dans le final tandis que le chef magnifie à toute force la tonitruance de l'oeuvre. Décoiffant!
Bernadette Beyne
Coffret de 8 CD - Pas de livret - Le son est bon en général - DG 482 2952

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