Iconographie musicale

par plainfield high school dating guide

Comme tous les enfants, j’aime les histoires en images. Photos, tableaux, l’iconographie est la prise de contact la plus directe que nous puissions avoir avec un sujet. Avant d’entrer dans l’univers de Bach, nous avons tous fixé dans nos mémoires son portrait réalisé deux ans avant sa mort, sérieux, emperruqué, une page de musique à la main ; ou celui de Mozart par Joseph Lange, un profil gauche légèrement penché, le plus ressemblant d’après son épouse ; ou celui de Beethoven peint par Joseph Stieler en 1819. Chopin, Liszt, Wagner, tous ont donné lieu à des portraits dont personne ne pourra jamais dire s’ils étaient ressemblants. Plus tard, la photo a pris le relais. La caricature a apporté une touche appréciable. L’imaginaire cède le pas à la réalité. Mais à feuilleter albums et recueils iconographiques, il y a toujours quelque chose qui fonctionne différemment dans nos cerveaux, quelque chose que les descriptions ou analyses les plus qualifiées ne parviendront jamais à remplacer. Bach est sérieux, Mozart insaisissable, Brahms sévère derrière sa longue barbe, Ravel raffiné (et fumeur), Offenbach masque mal un sourire en coin (de nouvelles farces en perspective ?), Chostakovitch semble toujours souffrir. Voir le visage de tel ou tel compositeur peut donner parfois une autre idée de sa musique. C’est totalement subjectif mais notre esprit photographie une image qu’il associe à la musique de ce compositeur. 

Fauré. Sa moustache. Ses cheveux blancs. Jean-Michel Nectoux nous a tout dit sur lui dans les nombreux ouvrages qu’il lui a consacrés, récemment encore le plus intime dans sa correspondance. Il manquait une approche, l’image. Et ce livre d’images, il nous le réserve pour le dessert. Ce qui est d’une logique absolue car l’importante iconographie qu’il a réunie est le parfait complément des ouvrages musicologiques déjà publiés. Fauré dans son environnement, ses proches, les lieux qu’il a fréquentés (Paris avant d’être défigurée), des maquettes de décors et costumes, des programmes et affiches, des lettres et pages de musique manuscrites. Qu’en ressort-il ? Que Fauré était bien autre qu’un simple musicien de salon, compositeur de mélodies et de Romances sans paroles, cette image longtemps colportée qui a nui à la diffusion de sa musique. Raffiné et élégant, oui. Fort et viril, aussi. Séducteur, encore. Il suffit de voir les photos où il est entouré d’élégantes femmes du monde, regards et sourires éloquents. Gestionnaire novateur et irréprochable dans ses fonctions de directeur du Conservatoire de Paris qu’il a su faire passer d’un siècle à un autre, d’un bâtiment à un autre, de la rue Bergère à la rue de Madrid. 

Un tel parcours iconographique peut-il influer sur notre appréciation de la musique de Fauré, sur l’approche de l’auditeur comme sur celle de l’interprète ? Difficile de répondre, car nous avons tous nos démarches personnelles qui se sont forgées avec le temps, avec leurs erreurs aussi. Les idées reçues sont difficiles à évacuer. Mais il peut nous ouvrir les yeux, sans aucun doute, nous permettre de découvrir que l’image de l’homme généralement colportée en cache une autre, donc que la musique telle qu’elle nous a été longtemps présentée a, elle aussi, un autre visage. 

Jean-Michel Nectoux, Gabriel Fauré, iconographie, Bärenreiter, 2025, avec des courtes notices en français et en anglais. 

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