Intégrale des Symphonies de Haydn par Giovanni Antonini : volume 11 « à la parisienne »

par

Au goût parisien. Joseph Haydn (1732-1809) : Symphonies en do majeur, ré majeur, do majeur « L’Ours », la majeur, Hob. I:2, 24, 82, 87. Giovanni Antonini, Kammerorchester Basel. Mai 2019 & août 2020. Livret en français, anglais, allemand. TT 80’17. Alpha 688

En ce onzième volume d’une intégrale censée se boucler en 2032 pour le tricentenaire de la naissance du compositeur, une galerie de photos vintage d’Elliott Erwitt, photographe de l’agence Magnum, illustre le livret et plante le décor de cet album « au goût parisien ». On pense illico aux six symphonies écrites en 1785-86 en réponse à une commande du Comte d’Ogny pour le Concert de la Loge olympique. Voici deux d’entre-elles dont la Hob. I:82, connue pour son sous-titre L’Ours car les auditeurs associèrent son finale à la démarche du plantigrade dansant au son de vielleux. Les deux autres opus nous ramènent à 1764, l’année où fut rédigée la symphonie Hob. I:24 en ré majeur, et dont on suppose qu’elle fut la première de Haydn jouée dans la capitale française, au Palais des Tuileries ; l’année où fut publiée la Hob. I:2, sous l’appellation « Sinfonia XIV, del Sigr Heyden », par l’éditeur Jean-Baptiste Venier, installé à Paris.

Les citations en regard des considérations d’Antonini (page 23) sur « L’art du clair-obscur » explicitent la gestion des dynamiques et des accents qui singularisent ces interprétations. La gamme de contrastes (sans rien de forcé ou artificiel), la discipline du crescendo contribuent à la vitalité du discours, où le chef milanais dispute l’aimable à l’âpre. Malgré un effectif limité à une vingtaine de cordes (11 violons, 4 altos, 3 violoncelles, 2 basses) pour les sessions de mai 2019 et une quinzaine pour la symphonie n°2, et même si le Concert de la Loge olympique disposait d’effectifs plus étoffés, la sonorité de l’orchestre de Bâle ne semble pas maigre. Au demeurant, l’irruption de la symphonie n°82, dont le chef accuse les reliefs (les timbales, les trompettes !), se trouve un peu éventée par une captation creuse et diffluente, alors que la captation d’août paraît mieux équilibrée.

L’impulsion convainc par sa vitalité, même si le Menuet de L’Ours bondit peut-être plus que de raison, avec une blanche pointée à 57 (jusqu’au Trio) là où par exemple un Bruno Weil & Tafelmusik (Sony, février 1994) la modérait à 52 pour un résultat mieux épanoui ; c’est d’ailleurs ce tempo qu’enclenche Antonini pour le troisième mouvement de la Hob. I:87, qui respire adéquatement. Son Adagio baigne dans des parfums enjôleurs, essaimés par des bois subtils et un luxe de nuances d’archets. En revanche, la diction du finale de cette même symphonie s’émousse sous une patine trop lustrée qui nuit tant à l’entrain qu’à la netteté des lignes. En tout cas, l’exécution de ces deux Parisiennes courtise les meilleures occurrences discographiques, tirées des intégrales par Nikolaus Harnoncourt, le dramaturge (DHM, 2005), en concurrence avec l’élégant humour de Neville Marriner (Philips, 1978 & 1981, récemment reparu en coffret de la collection Eloquence) ou l’inimitable charisme de Leonard Bernstein à New York (CBS, années 1960).

La patine des instruments anciens ou à l’ancienne, la cohésion d’ensemble, la finesse des solistes (la flûte d’Isabelle Schnöller dans le cantabile de la symphonie n°24, les cornistes exquis dans le menuet) emportent l’adhésion. En album séparé, on ne trouvera pas meilleure incarnation de la symphonie n°2, tout en couleurs vives et saturées. Bref, encore une réussite à l’actif de cette intégrale qui disque après disque tient ses promesses et en haleine.

Son : 7,5 – Livret : 9 – Répertoire : 8-10 – Interprétation : 9,5

Christophe Steyne

 

 

 

 



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