Les 300 ans des Concertos brandebourgeois fêtés dans la galerie des glaces du château de Köthen 

par

Jean-Sébastien Bach (1685-1750) : Concertos Brandebourgeois BWV 1046 à 1051. Collegium 1704, clavecin et direction Václav Luks. 2021. Notice en allemand, en anglais et en français. 96.28. Un DVD Accentus ACC20555. Aussi disponible en Blu Ray.

Le château de Köthen, à l’est de l’Allemagne, a été la résidence des princes et ducs d’Anhalt pendant un peu plus de six siècles, de 1244 à 1847. Jean-Sébastien Bach a été kapellmeister de la Cour du Prince Léopold de 1717 à 1723, période endeuillée par le décès de son épouse Maria Barbara, et y a composé notamment les Sonates et Partitas pour violon seul, le premier livre du Clavier bien tempéré et les six Concertos brandebourgeois, dont le manuscrit autographe porte, à la date du 24 mars 1721, une dédicace en français au Margrave Christian Ludwig de Brandebourg. L’idée de célébrer les 300 ans de ces concertos dans la galerie des glaces rénovée et achevée il y a peu est une initiative opportune, concrétisée par le Collegium 1704 de Václav Luks, fondé à Prague en 2005. Cet ensemble qui joue sur instruments historiques compte déjà à son actif de remarquables enregistrements, notamment de Haendel, Zelenka ou Mysliveček, et, récemment, des Boréades de Rameau. 

Cette prestation filmée en juin 2021, après la période de restrictions dues à la pandémle, n’est accompagnée d’aucun commentaire. Mais dans la notice, qui consiste en un entretien (un peu verbeux) de six pages entre Václav Luks et Michael Maul, directeur du Bach-Archiv de Leipzig, le chef/claveciniste évoque la symbolique très forte de la particularité qu’a représenté, pour le Collegium 1704, le fait d’entrer dans la cour du château en passant par le pont et en traversant sa porte. La galerie des glaces est somptueuse et pendant le concert, on a le loisir d’admirer le travail accompli pour restaurer la décoration du lieu, qui fut un processus long et complexe, avec pour résultat un état actuel (qui) ne correspond pas à celui de l’époque de Bach, mais (qui) reste tout de même entouré d’une aura incroyable, précise Michael Maul. Cette remarque nous fait regretter que ce DVD ne soit pas accompagné d’un documentaire explicatif, même de courte durée, quant à cette rénovation, ce qui aurait permis au spectateur mélomane d’apprécier encore plus le cadre prestigieux dans lequel les musiciens se produisent. On ne boudera cependant pas son plaisir d’admirer la luminosité de la galerie, ses jeux de miroirs et le faste des détails architecturaux.

L’interprétation des Concertos Brandebourgeois par le Collegium 1704 est traversée de bout en bout par une vitalité des plus communicatives, fruit d’une grande complicité entre les instrumentistes. Pour Václav Luks, dans ce contexte, il est important d’avoir la sensation de vouloir et de pouvoir transmettre un message. Et l’esprit de cette musique s’explique avant tout par la représentation d’un concerto sous la forme d’une conversation par un sentiment de communion tant sur un plan humain que d’un point de vue musical. Luks insiste sur la longue fréquentation des membres du Collegium 1704 : peu de mots nous suffisent pour bien nous entendre. Nous ne proposons aucune idée extravagante, aucune double croche par-ci ni aucun mouvement d’une rapidité ou d’une lenteur folle par-là. Faire de la musique ensemble dans un esprit de dialogue, tel est l’exigence de cette version des Concertos brandebourgeois.

Le résultat est particulièrement convaincant, car au-delà de cette volonté commune, il y a une cohérence fondamentale en termes de dynamisme, de couleurs et de nuances. On l’éprouve dès le Concerto n° 1 avec ses évocations de la chasse, puis dans un somptueux Concerto n° 2 avec la trompette éblouissante de Gabriele Cassone qui crée une atmosphère festive. Les cordes du Concerto n° 3 développent une alchimie de tessitures équilibrées. On se régale avec le dialogue du violon et des flûtes dans le Concerto n° 4 tout autant que dans le n° 5, où le clavecin virtuose de Luks (un Jukka Ollikka pragois de 2016) installe un style que l’on qualifiera de galant et de charmeur. Dans le n° 6, les violes de gambe offrent des effets irrésistibles en termes d’élégance et d’invention mélodique.

Dans ce lieu fastueux, on se prend à rêver devant les belles images que la caméra fixe avec adresse, par exemple l’impressionnant théorbe de Jan Krejča, mais aussi les visages des musiciens, dont la mine comblée témoigne de l’investissement et de la joie de jouer. L’acoustique apporte de temps à autre une touche de réverbération qui n’est pas dérangeante. On saluera l’initiative d’ajouter au livret une vingtaine de portraits en couleurs des artistes en pleine action (même s’ils ne sont pas tous fixés par l’objectif), ainsi qu’une liste détaillant la composition du Collegium 1704. Un DVD précieux, mené par Václav Luks avec netteté et précision, depuis son clavecin, dans un geste participatif.

Note globale : 9

Jean Lacroix

 

 

 

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