Jodie Devos, colorature, Offenbach

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En marge de la sortie du CD Colorature, nous avons pu nous entretenir avec Jodie Devos, la soprano belge qui met le monde de la musique à ses pieds. 

Jodie Devos, avant de parler de votre actualité et du CD consacré à Offenbach, quels sont les trois événements marquants pour l’année 2018 ?

Cette année a été particulièrement riche mais je citerais tout d’abord l’enregistrement du CD Colorature qui est un grand souvenir. Cette session d’enregistrement fut intense et passionnante.

Ensuite je pense tout particulièrement au rôle de Susanna dans les Noces de Figaro mis en scène à Liège par Émilio Sagi et sous la direction de Christophe Rousset que j’apprécie tout particulièrement. Le rôle de Susanna ne présente pas les caractéristiques d’une voix colorature mais ce rôle me convient bien et je crois que j’aimerai le chanter tout au long de ma carrière. Enfin, je citerais mon rôle d’Arthur dans La Nonne Sanglante de Charles Gounod que j’ai eu l’occasion de chanter à l’Opéra Comique à Paris. C’était une résurrection pour cette œuvre qui n’avait plus été mise en scène en France depuis près d’un siècle. C’était très émouvant !

En général, comment abordez-vous un nouveau rôle pour la scène ?

Généralement, un metteur en scène a une ligne, une signature stylistique et il est important de s’informer sur tout ce qu’il a déjà fait avant pour le connaître. On ne le rencontre que le premier jour de répétiton, or je travaille un rôle pendant des mois avant le début d’une production. En apprenant qui est le metteur en scène que j’ai en face de moi, je peux mieux imaginer la construction de mon personnage et dans quelles directions il serait susceptible d’aller. J’aime aussi imaginer une vie complète à mon personnage et pas juste l’instant qu’il vit pendant l’opéra. Qui il est en dehors de l’action.

Comment est né le projet Colorature reprenant des airs assez rares d'Offenbach ?

C’est à partir d’une proposition d’Alexandre Dratwicki, le directeur du Centre de musique Romantique française, Le Palazzetto Bru Zane. J’avais déjà collaboré avec lui pour le projet "Il était une fois". C’est un grand spécialiste de cette époque et nous nous sommes alors plongés dans les partitions d’Offenbach et surtout dans les pages moins connues, pour trouver les œuvres qui figurent sur ce disque. On pourra entendre des airs presque oubliés. Certains n’ont jamais été enregistrés ou n’existent que dans de très vieux enregistrements. J’ai alors proposé Laurent Campellone avec qui j’avais travaillé sur Les Mousquetaires au Couvent à l’Opéra Comique, c’est également un grand chef pour ce répertoire.

Comment travaille-t-il ? Est-il assez directif ou vous laisse-t-il de la liberté ?

Il a une direction très souple et légère. Quand il dirige, il sautille, c’est presque de la danse. Il laisse l’interprète assez libre mais par contre il est très exigeant pour le texte et pour la théâtralité de celui-ci. C’est un grand spécialiste de ce répertoire et du romantisme français en général. C’est surtout un grand enthousiaste et j’aime beaucoup travailler avec ce genre de personnalité. On a vraiment fait ce disque main dans la main, en cherchant à atteindre un résultat élégant et enjoué. On voulait rendre toute la noblesse à ces partitions et surtout à celles qu’on qualifie de légères.

Quel est le challenge dans le choix d’un tel répertoire ?

Je me suis retrouvée face à plusieurs challenges. A la première lecture, je me suis demandé comme j’allais défendre certains textes. Mais avec un peu d’imagination et autant de théatralité que possible dans la voix, on a réussi à faire passer Tigres, Bengali, Duchesses et fruitières. Ensuite, il faut une technique solide car les airs sont parfois très tendus ou placés dans une tessiture qui pouvait m’être inconfortable. Dans le rondo de Ciboulette de Mesdames de la Halle par exemple, on passe de graves poitrinés aux suraigus en deux pages, et tout l’air se promène sur toute la portée du début à la fin. L’écriture d’Offenbach est aussi difficile car, bien que pensée pour la voix, elle présente par certains aspects, une musique plutôt instrumentale. Cela se remarque surtout dans les Cadences qui sont souvent semblables mais proposent aussi de petites différences non sans importance. Lorsqu’il insère par exemple dans une gamme une altération qui va changer la couleur de cette cadence, alors même que l’autre, quasi identique, en aura une tout autre.

Vous partagez le célèbre duo de la Barcarolle avec la mezzo-soprano Adèle Charvet. Aviez-vous déjà collaboré ?

Je la connaissais de nom, mais c’est Didier Martin, le directeur d’Alpha Classics, mon label, qui me l’a proposée. Elle vient de signer chez eux également. C’est une jeune mezzo très talentueuse et qui par bien des points me correspond finalement très bien. Comme moi, elle aime varier les styles et ne se cantonne pas au classique. J’étais très heureuse de cette collaboration. Je trouve que nos deux voix se sont très bien fondues l’une dans l’autre. On voulait offrir avec cette Barcarolle un petit moment réconfortant pour le public qui connaît Offenbach grâce aux Contes d’Hoffmann. C’est comme le duo des Fleurs, on ne s’en lasse jamais.

Une tournée est prévue ?

Elle a déjà commencé avec un concert à Libramont qui est un peu ma région natale, en octobre 2018. Une avant-première en quelque sorte… Dans la foulée, nous l’avons interprété à Venise. En France, nous avons eu la chance de nous produire au Théatre Impérial de Compiègne et nous serons au Festival du Palazzetto Bru Zane aux Bouffes du Nord en juin. Pour la tournée, je collabore avec l’ensemble franco-belge Contraste. Cet ensemble est constitué d’un violon, d’un violoncelle, d’une clarinette et d’un piano. Je dois dire que cette formule fonctionne très bien avec des arrangements de Johann Farjot. J’ai aussi deux concerts avec Orchestre, le premier à Padoue en février, et un concert parisien avec l’orchestre Lamoureux en décembre. Il y aura encore d’autres dates les saisons prochaines, dont une à Bruxelles notamment !

D’autres projets sur scène cette fois ?

L’année qui commence sera à nouveau bien remplie. Avec, tout d’abord, Le directeur de Théâtre à Zurich puis L’Enlèvement au Sérail à Monte Carlo, et je reprendrai ensuite le rôle de la Reine de la Nuit à l’Opéra Bastille à Paris. Il y aura aussi Guillaume Tell de Rossini le 12 juillet aux Chorégies d’Orange. Cela clôturera mon année Rossini-Mozart ! Les deux seuls compositeurs que j’aurai chanté en scène cette saison !

Jodie Devos, si vous étiez un compositeur, vous seriez… ?

Bernstein

Un instrument ?

Le cor

Un opéra ?

La Fille du Régiment

Si une fée vous permettait d’avoir une voix d’homme pendant 24 heures, quel rôle aimeriez-vous interpréter ?

C’est une bonne question … Golaud. J’aime ce rôle et son côté très sombre. C’est très profond.

Propos recueillis par Michel Lambert

Crédits photographiques : Dominique Gaul

 

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