Jonathan Bénichou face à Bach 

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Le pianiste Jonathan Bénichou, l’un des pianistes les plus stimulants de la scène musicale, propose sa lecture des Variations Goldberg à l’occasion d’un enregistrement publié par Calliope. C'est une belle occasion de parler de Bach et de ce monument du clavier dans une nouvelle version à écouter.   

Votre nouvel album propose les Variations Goldberg de Bach. Pourquoi Bach et pourquoi cette œuvre ?   

Jean-Sébastien Bach me donne  à renouveler sans cesse la recherche du travail pianistique et m’invite au questionnement existentiel de la vie quotidienne. Ce compositeur a éclairé de nombreux créateurs dans de multiples styles musicaux. Revenir sans cesse à lui est une façon de se connecter à toutes ces racines, celle de Bach les englobant toutes. Il  a en effet incarné une figure emblématique à une époque charnière de l’histoire de la musique.

 Pourquoi cette œuvre en particulier ?  

Ce monument pour clavier est une œuvre qui, pour tant de pianistes et mélomanes, tient une place unique dans le grand répertoire.  Ses proportions démesurées sont comparables à l’édification d’un temple. Par une recherche particulière du timbre, j’ai voulu m’approcher d’une facture instrumentale entre l’orgue, le clavecin  et l’orchestre. Attiré par l’inventivité toute singulière du discours narratif et contrapuntique dans lequel se déploie le développement thématique -bâti selon 32 étapes à partir de l’Aria qui revient à sa source première lors de son retour conclusif, renvoyant à l’idée du retour cyclique tel le cercle de la vie-, Bach a offert un modèle formel original aux compositeurs.

Dans le dossier de presse qui accompagne cette parution, il est noté “ce projet d’enregistrement des Variations Goldberg est le fruit d’un long cheminement”. Quel est ce cheminement et comment se prépare-t-on à un tel enregistrement ?   

Cette œuvre me fascine depuis l’adolescence. Très jeune, j’écoutais les interprètes qui ont marqué l’histoire de ce chef d’œuvre, ce qui m’a amené à l’étudier dès l’âge de 22 ans. C’est ainsi que je me produisais avec  les Variations Goldberg pour la première fois en public en 2017. Cette expérience a profondément marqué mon rapport au processus temporel de l’œuvre jouée en concert et après plusieurs représentations, l’idée d’un enregistrement a peu à peu mûri en moi et a fini par se concrétiser naturellement.

Vous enregistrez au piano, instrument marqué par tant de grandioses interprétations du passé et du présent et l’approche de Bach a été revisitée par le mouvement baroque. Comment vous situez-vous entre ces axes interprétatifs ?  

Il me semble essentiel de considérer que l’axe interprétatif “baroque” et “classique ”ne sont pas antinomiques et que ces deux aspects peuvent  fusionner. Imprégné au contexte stylistique de son époque et intégré à la musique de son temps, Bach était aussi un avant-gardiste. Voilà un exemple d’un esprit libre, futuriste et profondément universaliste.

De ce fait, j ai tenté de me rapprocher d’une conception ou la conscience de l’onde vibratoire chez Bach est la pierre angulaire de la construction globale de l’œuvre.

Est-ce qu’il y a des interprétations, du passé ou du présent, qui sont des modèles pour vous ?  

Indubitablement Glenn Gould, Grigory Sokolov, Rosalyn Tureck représentent les interprètes qui m’ont bouleversé. Chez Gould, les interprétations de Bach expriment une extase mystique avec un sens de l’exactitude mathématique.  Sokolov décrypte la dimension organique tout en laissant transparaître les contours  d’une amplitude dépassant les conditions pianistiques. Rosalyn Tureck quant à elle exprime une pureté phraséologique digne des plus grands enseignements. 

 Est-ce que les autres grands cycles pianistiques de Bach vous inspirent ? 

Toute la musique de Bach est synonyme d’une grand œuvre provenant d’une inspiration supérieure, tant la structure décrit fidèlement la fondation du monde et l’aspiration éthique tendant vers le sacré. Pour autant, Bach aimait écrire pour le peuple et semblait ne pas distinguer la musique sacrée de la musique profane. D’où l´universalisme de ce langage humaniste et spirituel reliant les forces célestes aux forces humaines.

  • A écouter :

 Jean-Sébastien Bach, Variations Goldberg. Jonathan Benichou, piano. CAL2198. 

Le site de Jonathan Bénichou : www.jonathanbenichou.com

Crédits photographiques : DR

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

 

 

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