La musique instrumentale de Param Vir, entre Londres et Delhi

par

Param Vir (1952 -) : Wheeling Past the Stars. Klangforum Wien, London Chamber Orchestra, Schönberg Ensemble, Soumik Datta, Patricia Auchterlonie, Ulrich Heinen, Enno Poppe, Micha Hamel, Odaline de la Martinez. 69’07 – 2021 – Livret en : anglais. NMC Recordings. NMC D265.

Il y a une certaine versatilité dans la musique de Param Vir, né à Delhi d’une mère poète et chanteuse et d’un père mathématicien et ingénieur en électronique, puis venu en Angleterre parfaire son éducation artistique -après avoir appris le piano et la composition en Inde. On le connaît pour ses opéras, et Wheeling Past the Stars est le premier disque consacré à sa musique instrumentale, qui rassemble, chez NMC Recordings, quatre œuvres aux atmosphères (et aux interprètes) plutôt… différents.

Raga Fields, en trois mouvements, est la pièce qui, bien sûr, évoque le plus clairement à la fois son origine et la dualité culturelle au sein de laquelle le compositeur se crée une authenticité : le timbre du sarod (un instrument à cordes pincées, sorte de luth hybride utilisé en musique indienne classique), confié au doigté du virtuose Soumik Datta (lui aussi émigré à Londres en provenance du Bengale) s’allie à la richesse harmonique du Klangforum Wien (conduit par Enno Poppe) pour suivre la voie écrite par Vir -enfin, pas toujours, puisque certains passages sont notés, tandis que d’autres sont laissés à la discrétion du soliste, qui, après des mois de répétitions étroites destinées à affiner une compréhension mutuelle, improvise alors sur base des Ragas traditionnels- et développer, plus qu’un mélange ou un croisement, une rencontre des deux traditions musicales.

Plus ancien, Before Krishna, interprété par le London Chamber Orchestra sous la direction d’Odaline de la Martinez, témoigne de l’intérêt de Vir, dans les premières années de son arrivée en Occident, pour le stoïcisme des techniques sérielles, inspiré ici par les événements autour de (et avant) la naissance de cette divinité centrale de l'hindouisme -s’il outrepasse rapidement cette expérimentation rigoriste, puisqu’il s’agit là de sa seule partition du genre, la pièce lui vaut le prix de composition Benjamin Britten en 1987 et est la première à asseoir sa réputation dans son pays d’adoption.

Appuyée par le violoncelle d’Ulrich Heinen, la soprano canadienne Patricia Auchterlonie chante les poèmes (aux thèmes divers : amour, nature, enfance et politique) de Rabindranath Tagore (surnommé Gurudev, « gourou »), influent compositeur, écrivain, dramaturge, peintre et philosophe indien (Prix Nobel de littérature en 1913) : ses textes fondent les quatre mouvements de la pièce qui donne son titre au disque -et dont la sécheresse ne me convainc guère, contrastant avec les débuts chaleureux de Raga Fields, dont la finesse est autrement enthousiasmante.

Hayagriva est joué par le Schönberg Ensemble, mené par Micha Hamel et développe, sous un titre qui fait référence à cette incarnation de Vishnu à tête de cheval, associée dans la littérature et l'art sacrés indiens à la connaissance et à la sagesse, une énergie parfois proche de la bravoure, avant un passage où interviennent harpe et célesta, chargés de ralentir le déroulement de la pièce pour un dernier panneau dépouillé, austère et sombre -citant Parade, hommage à Peter Maxwell Davies, le compositeur et chef d'orchestre anglais qui remarque et encourage Param Vir, dès 1983, à approfondir l’étude de l’écriture musicale et à s’établir à Londres.

Son : 7 – Livret : 6 – Répertoire : 6 – Interprétation : 7

Bernard Vincken

 

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