Krystian Zimerman de retour en récital à Monte-Carlo
Krystian Zimerman est de retour sur la scène de l’Auditorium Rainier III pour un récital. Le public monégasque ne peut oublier son intégrale des concertos de Beethoven avec l'Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, il y a quatre ans. Comme de coutume, Zimerman vient avec son piano afin de donner au public la sonorité qu'il considère idéale.
La première partie du récital est consacrée à Chopin et le chant et la sérénité triomphent sous ses doigts. Il établit la norme d'excellence pour jouer le compositeur : sa compréhension de tous les détails subtils, de la façon de respecter la dynamique et les harmoniques tonales est tout simplement incroyable. Il laisse les notes respirer et rien n'est jamais précipité.
Il commence son récital avec trois Nocturnes (Op.15, Op.55, Op.65) de Chopin, qu'il joue sans interruption. Sous ses doigts, ces œuvres retrouvent leur dimension intime, avec ce sens vraiment unique de la rêverie, comme si nous assistions à une suite d'improvisations sans cesse renouvelées. Tout est fluide et laisse éclater une poésie lumineuse à la fois élégante et poétique avec une grande variété des atmosphères.
Son interprétation de la Sonate n°2 en si bémol mineur op.35 est impressionnante. Sans artifice ni sentimentalité gratuite, elle secoue le cœur avec la force d'une tragédie transcendante. La course effrénée du premier mouvement est haletante. Le Scherzo est joué avec impétuosité et fougue. Sa vision de la “Marche funèbre” est envoûtante et profondément introspective. Son toucher délicat et son phrasé nuancé créent une atmosphère de profonde tristesse. Emu aux larmes, le public retient sa respiration.
Le Presto final est époustouflant d'agilité, rarement entendu à cette vitesse. Connu pour sa technique impeccable et sa profonde musicalité, Zimerman livre une exécution à la fois techniquement irréprochable et émotionnellement résonnante.
La seconde partie du récital réunit les œuvres de Debussy et de Szymanowski. Elle confirme la polyvalence de Zimerman.
Les Estampes de Claude Debussy, jaillissent comme les reflets de la lumière matinale sur un lac, avec des sentiments de fraîcheur et de confort. Il maîtrise les octaves argentées et les passages délicats en trilles de "Pagodes", tandis qu’il taquine brillamment nos sens avec des parfums de paysages espagnols et de jardins français dans les deux dernières pièces. Sous ses doigts on découvre une palette de sonorités rares, sensuelles, douces et poétiques
Les Variations sur un thème folklorique polonais, de Szymanowski, composées en 1900-1904 sont une extravagance de jeunesse. L’œuvre est très lyrique, sombrement romantique, et très suggestive. L'influence de Scriabine est omniprésente. Zimerman démontre son esprit méticuleux envers une toile de couleurs sonores, un magnifique jeu de piano bel canto, vif, expressif et virtuose. C'est un triomphe. Une ovation debout. Zimerman donne rarement de bis. Il salue le public avec un mouvement de bras ouverts. Après plusieurs rappels, il offre un Prélude de Rachmaninov pour couronner cette soirée magique.
Monte-Carlo, Auditorium Rainier III, 9 octobre 2024
Carlo Schreiber
Crédits photographiques : Bartek Barczyk
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