Ouverture de saison à l’OSR
Au Victoria Hall de Genève, l’Orchestre de la Suisse Romande a ouvert sa saison le 7 septembre en présentant un programme sans entracte d’une durée d’une heure. Pandémie oblige, le port du masque est imposé au public durant toute la durée du concert.
En écartant la buée sur les lunettes, l’on distingue la venue de Jonathan Nott précédant le grand pianiste Krystian Zimerman que l’on n’a plus entendu en ces lieux depuis juin 1993. Avec l’originalité créative qu’on lui connaît, il s’attaque au Troisième Concerto en ut mineur op.37 de Beethoven en profitant des contrastes de l’introduction orchestrale pour livrer un discours fiévreux bousculant les traits en un souffle ‘Sturm und Drang’ qu’apaise par instants le cantabile avec ses trilles irisés. Par contre, le Largo est d’une poésie intense, enveloppant chaque séquence d’un voile méditatif qu’entrouvrira le détaché des arpèges. Et c’est par une articulation claire que se dessinera le Rondò allegro, usant du rubato pour dégraisser le son avant de conclure par une stretta pimpante qui déclenche l’enthousiasme du spectateur, conscient d’avoir devant ses yeux l’un des pianistes majeurs de notre époque.
Après une pause d’une dizaine de minutes, sont proposées les Deux pièces pour ensemble de cuivres et percussions d’Alexandre Mastrangelo, jeune tromboniste de trente-et-un ans qui a étudié la composition auprès de Xavier Dayer à la Hochschule der Künste à Berne et de Michael Jarrell à la Haute Ecole de Musique de Genève. La première de ces pages, Elégie, créée en mai 2009, a un caractère funèbre plombant la mélopée du trombone qui débouche sur un choral qu’irradie le xylophone. Mais l’accumulation des forces amène à un paroxysme que ponctue la percussion avant de se dissoudre dans le ritenuto des sourdines. Le Scherzo créé en juin 2012 est un animato brillant pimenté par le glockenspiel ; sur une formule en ostinato se déploie ensuite en accelerando le tutti martelé comme par des enclumes afin de parvenir à une conclusion triomphale. Et le public applaudit cette musique soigneusement élaborée qui n’a pas besoin d’être fracassante pour se vouloir actuelle. Qu’on se le dise !
Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, 7 septembre 2020
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