Antonio VIVALDI (1678-1741) : Concertos pour flûte et cordes RV 433 « La Tempesta di mare » et RV 441 à 445 ; « Cum dederit » du « Nisi Dominus » RV 608, pour chalumeau et basse continue. Giovanni Antonini, flûte et chalumeau, Il Giardino Armonico. 2020. Livret en anglais, en français et en allemand. 59.45. Alpha 364. 

Les concertos pour flûte de Vivaldi respirent la joie de vivre et le dynamisme permanent. Ils sont servis ici par Giovanni Antonini, ce flûtiste magicien d’une rare dextérité qui est à la tête de son ensemble Il Giardino Armonico, dont les disques parus depuis la fondation du groupe en 1985 ne cessent de nous bousculer dans nos habitudes et de nous transporter d’allégresse. Celle-ci est à son comble dans un programme étincelant qui propose les concertos RV 441 à 445, couplés au RV 433, qui fait partie de l’opus X et porte le titre de La Tempesta di mare. Ce dernier est la réécriture d’un concerto de chambre RV 98, et il figure en tête de l’édition du recueil publié en 1729. La virtuosité est étincelante de bout en bout ; Antonini transforme tout cela en d’invraisemblables pièces de bravoure, se jouant de toutes les difficultés techniques avec une aisance confondante. 

Le programme contient les trois partitions, RV 443 à 445, un triptyque pour flautino (flûte à bec sopranino) : ces pages sont d’une limpidité et d’une finesse étourdissantes. Quant aux RV 441 et 442, ils forment un duo dont l’atmosphère plus veloutée et plus sereine à la fois emporte l’auditeur dans un monde de rêve quasi intemporel. Et quelle allure dans la Tempesta di mare, si riche en expressivité ! Un extrait du Nisi Dominus, chef-d’œuvre de la musique sacrée de Vivaldi, vient s’ajouter à l’ensemble ; il s’agit du mouvement Cum dederit, la voix de contralto étant ici remplacée par un chalumeau, dans un climat recueilli et spirituel. Ce CD magistral, pur moment de bonheur, bénéficie en plus de la présence du violoniste Enrico Onofri qui intervient dans quatre concertos sur un instrument du début du XVIIIe siècle, avec les couleurs généreuses qui conviennent. 

Les mots ont parfois du mal à traduire les sensations que l’on éprouve à l’écoute d’un disque. Ici, dès l’entame du RV 444, on est saisi par l’élan, la vitalité, l’incisivité, mais aussi par le raffinement avec lequel le parcours se dessine. Le chant semble être une nécessité première, qu’il s’agisse de moments déclamatoires ou de virtuosité pure. Celle-ci n’est pas gratuite, elle s’inscrit dans un espace où les contrastes sont marqués, mais jamais tranchants, et tout coule de source, menant à l’évidence… de l’évidence ! Ce n’est pas un mince compliment, car il ne suffit pas que les qualités techniques soient superlatives -et ô combien le sont-elles-, il faut aussi que le rythme, le mouvement et la complicité collective soient au rendez-vous. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter l’Allegro non molto du RV 441 (exemple parmi d’autres) au cours duquel la grâce et la subtilité rivalisent en termes d’équilibre et d’homogénéité. Ou l’irrésistible emballement de l’Allegro du RV 445. Quant aux mouvements lents, chacun d’entre eux est ciselé avec cette sérénité, ou plutôt cette paix intérieure qui donne à ce répertoire enchanteur, au-delà du dynamisme, une aura qui n’est pas loin de la ferveur. 

Ferveur… terme qui s’applique tout particulièrement à l’extrait du Nisi Dominus dont Antonini élève les cinq minutes d’écoute au niveau sacré qu’il requiert. A l’aide cette fois d’un chalumeau, instrument à anche simple, ancêtre de la clarinette. La notice rappelle qu’à l’époque de Vivaldi « le chalumeau était souvent associé à la voix, comme cela se produit chez des compositeurs comme Caldara ou Vivaldi lui-même (que l’on pense à son utilisation dans l’oratorio Juditha triomphans) ». Il s’agit ici d’un chalumeau contralto.

Un disque passionnant, à classer sur le premier rayon vivaldien, d’autant plus que la prise de son est naturelle, claire, précise et ensoleillée.

Son : 10  Livret : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix