La Gioconda ouvre la saison à Marseille
Pour commencer la saison 2014-2015, l’Opéra de Marseille relève le défi de présenter l’un des ouvrages italiens les plus difficiles à monter, ‘La Gioconda’ d’Amilcare Ponchielli. Elaborée trois ans après ‘Aida’, sur un livret d’Arrigo Boito, créée à la Scala de Milan le 8 avril 1876, l’œuvre possède une dynamique théâtrale et une générosité mélodique qu’il faut pouvoir restituer. La mise en scène de Jean-Louis Grinda tient en haleine de bout en bout, alors que les décors pittoresques sont dus à Jean-Pierre Capeyron, les costumes chamarrés, à Eric Chevalier. Clou du spectacle, la fête à Ca’ d’oro a pour toile de fond la lunette de ‘La Chambre des époux’ de Mantegna, que creusent les lumières conçues par Jacques Châtelet pour dessiner un cadran d’horloge d’où se détacheront les figures allégoriques de la ‘Danse des heures’. A la tête des forces de l’Opéra de Marseille, rudement mises à contribution, la baguette de Fabrizio Maria Carminati déploie l’énergie indomptable d’un vieux loup de mer qui actionne tous les rouages de cette gigantesque machinerie. Applaudie notamment au Regio de Turin en Aida et en Adriana Lecouvreur, Micaela Carosi s’empare de Gioconda dont elle possède le soprano dramatique sans pouvoir éviter les glissements d’intonation dans un aigu parfois trop bas. Appelé à la rescousse après l’annulation de deux collègues, le jeune ténor Riccardo Massi est un Enzo Grimaldo de classe par l’opulence de son ‘lirico spinto’. Béatrice Uria-Monzon ébauche une première Laura avec, au début, une tendance à ouvrir les sons du haut medium, avant que la voix ne trouve son assise dans un rôle de mezzo qui lui convient parfaitement. Le contralto Qiu Lin Zhang prête à la Cieca une rondeur d’émission qui fait sourdre l’émotion, quand Marco Di Felice use de la largeur de ses moyens pour suggérer la noirceur de Barnaba. Malheureusement, Konstantin Gorny est insensible à l’ ‘italianità’ d’Alvise Badoero, léger grief à formuler devant l’indubitable réussite d’une production qui a fasciné le public marseillais.
Paul-André Demierre
Marseille, le 4 ocobre 2014