La musique de chambre néoclassique de Pawel Łukaszewski
Pawel Łukaszewski (°1968) : Nocturne pour piano n° 14 ‘Pipirima’ ; Wings Concertino, pour deux flûtes et piano ; Norwid’s Songs, pour soprano et piano ; Lukasonata, pour flûte et piano ; Concertino doppio, pour violon, alto et piano ; Icon II pour piano. Agata Kielar-Długosz et Łukasz Długosz, flûtes ; Anna Mikołajczyk-Niewiedział, soprano ; Kamila Wasik-Janiak, violon ; Aleksandra Demowska-Madejska, alto et Ewa Guz-Seroka, piano. 2022/23. Notice en polonais et en anglais. 70’ 20’’. Dux 2105/Chopin University Press UMFC CD 228.
Originaire de Czestochowa, dans le sud de la Pologne, Pawel Łukaszewski, compositeur néoclassique, chef d’orchestre et directeur artistique de festivals, a déjà retenu notre attention à deux reprises dans le domaine symphonique (le 13 mai 2022 et le 7 novembre 2023) ou dans celui de la musique chorale sacrée, sur le thème de l’Adoration (le 30 juin 2024). Cette fois, ce diplômé de l’Académie de Musique Chopin de Varsovie, où il a étudié le violoncelle et la composition, est mis en lumière dans le cadre de sa musique de chambre, d’une grande accessibilité.
Cet album est le quatrième volet d’une série intitulée « Musica profana », trois autres parutions ayant montré la diversité de l’inspiration du Polonais et son attrait pour des instruments variés. Le programme débute par un Nocturne pour piano, le quatorzième (2020) d’un cycle de quinze, chacun étant consacré à l’évocation d’une étoile récemment découverte, dans le cas présent Pipirima, qui fait partie de la constellation du Scorpion ; le créateur y utilise des fragments de ses œuvres chorales. En fin de parcours, une autre pièce pour piano, Icon II (2018) est la transposition d’une pièce prévue initialement pour orgue. Ces deux pages pour clavier se déroulent dans une atmosphère intemporelle, suspendue dans un espace à la fois solennel et hiératique.
Deux œuvres mettent en valeur la flûte. La première, Wings Concertino (2019), pour deux flûtes et piano, peut aussi être jouée par deux saxophones, ou avec des variantes pour orchestre à cordes. Les trois mouvements emportent l’auditeur dans un univers lyrique, qui fait une belle place à la danse et à la virtuosité instrumentale. Des flux pleins d’énergie et de virtuosité complémentaire entre les flûtes et le piano animent un discours narratif au sein duquel les rythmes ailés, en référence à l’intitulé, alternent avec des passages contemplatifs. Quant à la Lukasonata pour flûte et piano (2021), en quatre mouvements, elle se situe dans un même contexte mélodique, avec un lyrisme encore plus appuyé et des échanges entre les deux instruments, qui combinent une poésie qui sait se révéler nostalgique avec des ostinatos et une ambiance de musique minimaliste. De beaux exercices de partenariat pour les flûtistes, en excellente forme.
Le Concerto doppio (2021) pour violon, alto et piano en trois mouvements, s’inscrit dans la tradition musicale française ; c’est une partition dynamique dans son Adagio initial, pleine de mystères et de passion voilée dans le Grave, suivi d’un final Allegro aux effets jubilatoires. Les Norwid’s Songs (2021/22) font appel à une soprano pour trois poèmes d’essence religieuse ou populaire. Tour à tour tragiques, voués à la prière, ou intensément lyriques, ces chants du poète Cyprian Kamil Norwid (1821-1883), qui s’installa définitivement à Paris en 1849 et dont les vers étaient très appréciés par le pape Jean-Paul II, ont eux aussi des références de musique minimaliste, le piano mettant en valeur la voix de la soprano dans un contexte mélodieux.
Même si elles sont intéressantes à découvrir, servies avec ferveur et engagement par des interprètes polonais de valeur, ces pages de musique de chambre d’accès agréable se révèlent en deçà de l’inspiration qui traverse les grandes symphonies de Łukaszewski. C’est dans ce dernier domaine que l’on trouvera le meilleur de la créativité du compositeur.
Son : 9 Notice : 10 Répertoire : 8 Interprétation : 9
Jean Lacroix