L’anniversaire des Heures Musicales de Biot avec Alexander Malofeev

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Située sur les hauteurs  entre Nice et Antibes, la ville de Biot accueille un festival devenu un incontournable dans la région grâce à la qualité de ses concerts et des artistes invités. La connaissance, l'enthousiasme et le charisme de sa directrice Liliane Valsecchi, ont fidélisé la participation des meilleurs solistes : Brigitte Engerer, Nelson Freire et Nicholas Angelich ont été de fidèles amis. Renaud Capuçon, Gautier Capuçon, Khatia Buniatishvili, Nikolai Lugansky, Edgar Moreau reviennent avec plaisir. Cette année, c’est le jeune pianiste russe Alexander Malofeev qui fait l’évènement. Sa venue avait été programmée à Biot il y a quelques années, mais avec la crise sanitaire, ce n'est que maintenant qu'il a pu venir enchanter le public. 

Il commence le récital avec la Sonate nᵒ 14 "Au clair de lune" de Beethoven. Il envoûte le public dès les premières mesures du premier mouvement Adagio sostenuto. Il prend son temps, tout est d'une miraculeuse fluidité, le climat est inquiet, interrogatif, hypnotique, l'auditoire a le souffle coupé. Dans l'Allegretto, il est malicieux, il joue avec humour et fait alterner joyeusement legato et staccato. Malofeev  attaque le Presto avec une puissance fulgurante. Il a d'impressionnants moyens digitaux et nous entraîne, comme une tornade, vers la démesure et la folie.  

Il continue avec la Sonate n°2 en si bémol mineur de Frédéric Chopin. Malofeev semble venir d'une autre planète et il nous invite à venir l'explorer. C'est fulgurant, orchestral. Dans les deux premiers mouvements il y a tout ce qu'on peut imaginer de violence et de terreur de la mort. Malofeev met son génie technique au service des intentions du compositeur. Aucune nuance d'émotion et de drame ne manque. Chaque note est absolument maîtrisée. C'est un clavier qui dévore la musique. La "Marche funèbre" est un spectacle ahurissant. Ce sont des funérailles nationales. C'est hallucinant de précision et de puissance. 

La maturité de Malofeev est étonnante.  Peut-être est-ce dû en partie aux difficultés qu'il a affrontées.  Il s'est retrouvé au Canada quand la guerre a éclaté, et il devait y donner une série de concerts. On lui a demandé de dénoncer les agissements du gouvernement de Poutine. Il a refusé, car toute sa famille vit à Moscou et il craignait des représailles. Tous ses concerts au Canada et aux Etats-Unis ont été annulés et il s'est retrouvé abandonné à son sort. C'est Daniel Barenboïm qui a réussi à lui procurer des papiers pour s'installer en Allemagne.

Après l'entracte, Alexander Malofeev présente un programme étincelant. Il enchaîne les morceaux sans interruption. Le redoutable Prélude pour la main gauche de Scriabine, le célèbre Prélude en do dièse mineur de Rachmaninov pour terminer par l'ouverture de Tannhäuser de Wagner dans l'arrangement de Liszt. C'est impressionnant. Malofeev captive le public de la première à la dernière note. Il est ovationné par un public conquis. Il offre trois bis :  une mélodie de Medtner, le “Pas de deux” du Casse-Noisette de Tchaïkovski dans l'arrangement de Mikhail Pletnev et la Canzone Serenata de Medtner. Une soirée mémorable. 

Biot, Eglise St Marie-Madeleine, 30 mai 2023

Carlo Schreiber

Crédits photographiques : Liudmila Malofeeva

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