Le concerto pour piano de Stephen Hough est un hommage au monde d’hier

par

Stephen Hough (°1961) : Concerto pour piano et orchestre « The world of yesterday » ; Sonatina nostalgica ; Partita. Stephen Hough, piano ; The Hallé, direction Sir Mark Elder. 2023/24. Notice en anglais, en japonais et en coréen. 39’54’’. Hyperion CDA68455.

Dans la copieuse discographie de l’Anglais Stephen Hough, formé notamment à la Juilliard School de New York, la présence des plus grands compositeurs voisine avec des gravures de créateurs romantiques moins fréquentés. Faut-il chercher dans cette dernière attirance une explication sur le sous-titre « Le monde d’hier », choisi pour son Concerto pour piano et orchestre, écrit en 2023, et dont on découvre ici une version live de mai 2024, à Manchester ? Ou dans la référence au livre-témoignage de Stefan Zweig, qui porte le même titre, paru à New York en 1943, un an après le suicide de l’écrivain autrichien, qui y évoque maints souvenirs viennois de l’avant-guerre ? L’ouvrage de Zweig est en tout cas une composante de l’inspiration du pianiste-compositeur, comme il l’explique dans la notice qu’il signe lui-même. La nostalgie habite donc cette partition et fait l’objet d’une question posée par un artiste du XXIe siècle : comment écrire un concerto dans l’ombre de tant de génies ? Stephen Hough apporte une réponse convaincante à ce point d’interrogation, grâce à une partition en trois mouvements, d’une durée globale d’un peu plus de vingt minutes, sertie de belles mélodies post-romantiques, dans un contexte stylé. 

Le projet est né au moment de la pandémie, suite à une demande faite au pianiste, qui comptait déjà à son actif, comme compositeur, des pages instrumentales, chorales ou de musique de chambre. La proposition consistait en une musique de film évoquant un pianiste qui écrivait un concerto. Stephen Hough se lança dans l’élaboration d’une valse décadente des années 1930, à la manière de Korngold, mais le film prit une autre direction. Au pianiste, il restait une matière de base pour composer son concerto.  Celui-ci débute par une mélodie « naïve », comme il la caractérise lui-même, portée par les violons et les flûtes, qui va progresser par une réponse de la clarinette et de la harpe. Une cadence longue et expressive permet au piano de briller, avant que la virtuosité ne fasse place à un autre motif, un slow. L’énergie et la vitalité se déploient dans le second mouvement, grâce à une série de variations autour de la valse citée, dans un climat sensuel et élégant. Une tarantella appassionata vient conclure, dans une brillante intensité émotionnelle, un concerto dont l’écoute est des plus attrayantes. 

Le programme est complété par deux pages pour piano seul de 2019. La Sonatina nostalgica, en trois mouvements, est dans la ligne du pur romantisme, à travers son évocation d’un souvenir d’enfance, d’un village pittoresque, proche du lieu de naissance de John Ireland, dont l’ombre plane sur ce moment pastoral, et d’un monument rassembleur. Quant à la virtuose Partita, elle se compose de cinq brèves parties, au sein desquelles deux inspirations de Cancíón y Danza de Federico Mompou (dont Stephen Hough a enregistré une remarquable série pour Hyperion en 2000) apportent une atmosphère des plus raffinées.

On apprécie comme il le mérite cet album d’un pianiste dont la connaissance du talent de compositeur vient s’ajouter à la qualité de sa vaste discographie. Dans le Concerto pour piano, que Stephen Hough défend avec une éloquence communicative, Sir Mark Elder et The Hallé lui donnent une efficace réplique. Cette publication n’a qu’un défaut : elle ne contient qu’à peine quarante minutes de musique. C’est vraiment chiche. On aurait pu lui adjoindre au moins, même si elle est brève, la pétulante Fanfare Toccata, composée en 2022 et jouée, cette année-là, par la trentaine de candidats du Concours Van Cliburn.

Son : 8,5    Notice : 10    Répertoire : 8,5    Interprétation : 10

Jean Lacroix  

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