Nouvel orgue de Vouvant : le concert inaugural 

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Inauguration de l’orgue Yves Fossaert à Vouvant. Œuvres de César Franck (1822-1890), Louis Vierne (1870-1937), Éric Lebrun (*1967), Jehan Alain (1911-1940), Maurice Duruflé (1902-1986), Marcel Dupré (1886-1971), Philippe Lefebvre (*1949). Éric Lebrun, Marie-Ange Leurent, Michel Bourcier, Guillaume Marionneau, Philippe Lefebvre, orgue de l’église Notre-Dame-de-l’Assomption de Vouvant. Mai 2021. Pas de livret hormis un feuillet. 74’32’’. Chanteloup Musique OMV 001

Dans une municipalité vendéenne classée parmi les « plus beaux villages de France » se concrétisa en 2018 le vœu de doter l’église d’un orgue à la mesure de cette cité médiévale. Outre les subventions institutionnelles, une souscription pilotée par l’association Orgue & Musique à Vouvant draina des fonds privés tant locaux qu’internationaux. Deniers publics, dons et mécénat alimentèrent le financement de ce projet dont la maîtrise d’œuvre fut confiée à Yves Rousseau. Dérivée de l’orgue de chœur installé en 1893 par Louis Debierre en la cathédrale de Nantes, la facture réalisée par Yves Fossaert s’orienta vers l’esthétique romantique et symphonique. Transmission et tirage électriques contribuèrent à économiser le nombre de tuyaux, à optimiser la liste de registres (42 pour 18 jeux) et à répartir efficacement sur deux claviers expressifs un plan de Récit sous jalousies. Niché à même le sol entre deux piliers, juste avant le chœur, perpendiculairement à l’axe de la nef, l’instrument bénéficie d’une harmonisation douce et permet un contact de proximité avec les auditeurs.

Parallèlement au festival organisé chaque année, quatre premiers CD proposent des récitals dans la foulée du concert d’inauguration initialement prévu en 2020, expliquant que Louis Vierne, dont on célébrait les cent-cinquantenaire, fût à l’honneur. Même si Johann Sebastian Bach fédéra la troisième saison de 2023, avérant les affinités baroques de cet orgue, le programme des enregistrements publiés reflète son esthétique d’intention, quand il s’axe sur le XIXe et XXe siècles français.

Aucun auditoire ce 1er mai 2021, non en raison de la Fête du Travail, mais parce que le contexte sanitaire imposait encore ses restrictions. Micros et caméras étaient néanmoins présents, documentant cette inauguration qui, à défaut de l’enthousiasme de l’assistance, profite d’un cadre parfaitement silencieux. Une perspective vaste et immersive, quoique très flatteuse à l‘oreille, tend à disperser le rayonnement sonore. Cette ouverture et un phrasé diffluent conduisent à éparpiller l’introduction marcato de la Pièce Héroïque, qui en chemin affermira sa discipline. Une lecture très suggestive de l’Andante en si majeur de la Grande Pièce Op. 17 du même Franck, puis un ingambe Impromptu de Louis Vierne referment cette partie défendue par Éric Lebrun, dont la compagne interprète ensuite Mon beau navire ô ma mémoire, inspiré par les célèbres vers d’Apollinaire. Cette superbe évocation poétique, récemment écrite (2018), s’inscrit entre deux pages lumineuses également servies par Marie-Ange Leurent : Hymne au soleil de Vierne, et les ésotériques orients des Danses à Agni Yavishta de Jehan Alain.

Cultivant la pertinence des transitions, le récital se poursuit avec le Prélude & Fugue que Maurice Duruflé composa en hommage à ce jeune frère de Marie-Claire Alain, prématurément disparu. Ce diptyque bien connu des organophiles reçoit ici une impulsion particulièrement émouvante par Michel Bourcier. On retrouve Duruflé, son Choral varié sur le Veni Creator, avec Guillaume Marionneau, et l’hymne chantée par Étienne Fercheaud. Le titulaire du Cavaillé-Coll de Notre-Dame de Luçon nous aura préalablement offert une exploration sensible et envoûtante du Cantabile en si majeur de Franck.

Quelques jours avant d’officier lors de la bénédiction de l’orgue, le 13 mai, Philippe Lefebvre concluait l’inauguration : Cortège et litanie de Marcel Dupré dont on commémorait la disparition, cinquante ans auparavant, précédait une longue improvisation par l’émérite co-titulaire de Notre-Dame de Paris. On ne sait jamais qu’attendre de ce genre d’exercice, et l’on doit en l’occurrence avouer son admiration pour cette création honorant la tradition post-romantique : une magistrale et charismatique architecture, coulée d’une traite sans temps mort, où la science de la structure s’incarne dans une alchimie de timbres qui rend justice à la séductrice palette de l’instrument vendéen. On saurait à peine rêver meilleur portrait baptismal.

Christophe Steyne

Son : 9 – Livret : 3 – Répertoire & Interprétation : 9,5

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