Sophie Junker, soprano. Le Concert de l’Hostel Dieu. Reynier Guerrero, violon. Véronique Bouilloux, violon. André Costa, violon. Sayaka Shinoda, violon. Ulrik G. Larsen, théorbe/guitare. Aurélie Métivier, alto. Aude Walker-Viry, violoncelle. Nicolas Janot, contrebasse. Franck-Emmanuel Comte, clavecin, direction.
Le rossignol de Händel (Pedro-Octavio Diaz, conseiller artistique)
Curieux parcours que celui d’Elisabeth Duparc, née en France, formée en Italie et ayant trouvé la gloire à Londres. La Francesina a été une des dernières muses de Händel alors qu’il abandonnait les fastes de l’opéra italien pour l’élévation spirituelle de l’oratorio. Il compose pour elle des rôles majeurs et principalement des airs « de rossignol ». La plupart de ses contemporains louaient le timbre et l’agilité de sa warbler voice (voix de fauvette). Dans ce programme allant de l’opéra à l’oratorio, la soprano belge Sophie Junker rend hommage à La Francesina et explore la collaboration qui la lia à Händel pendant une décennie. Elle sera la Nuova Francesina qui répondra à la Duparc avec la même énergie dans son fastueux répertoire.
La Francesina, d’après Sophie Junker
La Francesina… « La petite française », âme voyageuse, qu’on devine vive, contrastée, piquante mais profonde… Händel a aimé exploiter son espièglerie autant que voir en elle des incarnations spirituelles. Tantôt fille de la musique, tantôt damoiselle roucoulante, son parcours atypique a été passionnant à aborder (il est vrai qu’on ne sait pas tant d’elle : on lui devine un charme qui va plus loin que les gazouillis coquets, et Händel a su prendre en compte son évolution vocale…). Tant de belles harmonies pour un petit oiseau français, la seule française d’ailleurs, pour laquelle il ait écrit !
Quelle jeune chanteuse d’aujourd’hui ne la trouverait pas attachante, cette femme vive et forte de son époque, qui jeune avait déjà battu tant de chemins, dansait, jouait et chantait avec le même plaisir… et pour ainsi dire jamais dans sa langue maternelle. Sans avoir peut-être le fracassant apanage d’une Cuzzoni ou le timbre capiteux d’une Strada, elle a su garder sa place dans le giron du grand maître. Quoi qu’il en soit, il a été très amusant d’y voir des parallèles avec mes premiers pas. Moi, « petite belge » francophone (souvent prise pour une vraie française, avec mon brin d’insolence et la triste disparition progressive de mon accent du terroir), j’ai adopté Händel dès mon arrivée à Londres, où j’ai poursuivi mes études. Un séjour qui a duré quatre ans, dans les pas d’Élisabeth Duparc. Sans le savoir, j’avais déjà « effleuré » son répertoire, Semele, Iole, ou Romilda.
Une variété passionnante par ailleurs, de couleurs, de styles et de caractères a rendu le choix de répertoire pour ce disque particulièrement ardu. Entre les roueries séductrices de Semele, l’exultation féminine de Deidamia, la noblesse pure d’une Michal ou d’une Iole, les lignes, si admirablement difficiles, de l’Ode to St. Cecilia’s Day… On devine derrière cet éclectisme une sacrée personnalité, et une voix en constante évolution. Qui ne serait pas heureuse de se retrouver dans la peau d’une diva qui passe de la coquetterie à l’élévation divine en un clin d’œil ? N’est-ce point-là le bonheur de notre vocation ? La musique de Händel m’a prise par le cœur et ne m’a jamais quittée – les incursions des baroqueux français sont plus occasionnelles. Sa musique libère l’esprit et la voix, et je reviens sans cesse vers elle pour ne pas perdre de vue le plaisir et la joie naturelle de chanter. Réincarner La Francesina est mon petit hommage.
La Francesina, d’après Franck-Emmanuel Comte
Une des grandes caractéristiques du génie de Händel réside probablement dans son universalité : il excelle dans tous les genres, instrumentaux et vocaux. Fort de son héritage saxon, il réalise à Londres la synthèse des divers styles germaniques, français et italiens pour, en fin de compte, proposer une musique affichant glorieusement son identité britannique ! Concernant ses partitions vocales, outre les 39 opéras qui émaillent les 30 premières années de sa carrière, ses oratorios – sacrés ou profanes – constituent assurément l’autre grand apport à son catalogue. Ils représentent à la fois un tournant et une sorte d’apogée dans sa carrière, tant sur le plan de la chronologie que celui de la qualité de l’écriture. Davantage engagé lors de la première partie de sa carrière dans la composition d’opéras, il privilégie donc, à partir des années 1740, la composition d’oratorios en langue anglaise, à la fois par goût personnel mais aussi par opportunisme et pragmatisme : le succès de ses derniers opéras est mitigé, ce qui fragilise à la fois sa santé et ses finances. De plus, l’arrivée d’une troupe d’opéra concurrente dès les années 1730 divise le public londonien… Ainsi, Deidamia, créé au Lincoln’s Inn Fields Theatre en 1741 avec Élisabeth Duparc dans le rôle-titre, sera son ultime opéra.
Le succès des oratorios illustre également l’évolution des goûts vers un genre plus en phase avec l’air du temps. Le public, marqué par l’émergence d’un sentiment nationaliste présent jusque dans la création artistique et par une certaine moralité plus prégnante dans la société anglaise, se reconnait désormais davantage dans les oratorios de Händel, surtout ceux composés sur des sujets bibliques. Or, il est frappant de constater que la collaboration avec Élisabeth Duparc coïncide exactement avec cette période de transition. La personnalité de cette dernière, plus orientée dans la retenue que celle des prime donne de l’ère précédente, y est très probablement pour quelque chose ! La Francesina devient donc, et ce pour huit années consécutives, la prima donna du compositeur. À partir de 1739 (date de la création de Saul), les oratorios deviennent le principal champ d’expression du compositeur. Tout aussi dramatiques que les opéras, ceux-ci accordent une place plus importante à d’autres aspects de la musique : une orchestration contrastée, des formes d’airs plus variées, qui s’échappent fréquemment du modèle aria da capo, une large utilisation des chœurs…
Tarif : 15€ (adultes) - 10€ (seniors 60+) - Gratuit → 26 ans
Réservations obligatoires : billetterie@imep.be ou 081/73.64.37 (du lundi au vendredi de 8/30 à 12:30 et de 13:00 à 16:30).