Le Lichtenstein, vivier de jeunes talents

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Andrei Ionita © Sebastien Rosenberg

Le 6e « Festival Next Generation » au Grand Resort Hotel Bad Ragaz
Entourée par les Alpes, la cité de Bad Ragaz, dans le canton de St-Gall (Suisse), est connue depuis le 19e siècle pour ses sources thermales. En 2011, l'hôtel "Grand Resort Bad Ragaz" a eu l'idée d'inviter en ses murs la musique classique. A quelques kilomètres de Bad Ragaz s’est posée l' « Internationale Musikakademie im Principauté du Liechtenstein », au Lichtenstein donc. Drazen Domjanic en est le directeur. Pourquoi chercher loin lorsqu'on peut trouver si près ? L'académie offre des bourses et accueille chaque année de jeunes musiciens particulièrement doués pour suivre des cours de maîtres dans toutes les disciplines. Cette saison : Ana Chumachenko, Leonid Sokorov, Coosje Wijzenbeek pour le violon, Thomas Riebl pour l’alto, Jens Peter Maintz et Wolfgang Emanuel Schmidt pour le violoncelle, Pavel Gililov, Milana Chernyavska et Arie Vardi pour le piano, Philippe Bernold pour la flûte et Radovan Vlatkovic pour le cor. Tout récemment, Anna Schultsz, 11 ans, boursière de l’Académie obtenait un 2e Prix au Concours Grumiaux à Namur ; Elia Cohen, 21 ans, un 2e Prix au 6e Concours International de Violoncelle de Zagreb ; et en décembre dernier, Filippo Gorini, 19 ans, remportait le Concours Beethoven à Bonn. En 2014, l’altiste Adrien Boisseau était le « Jeune Musicien de l’Année » des ICMA (International Classical Music Awards) et, cette année, le jeune flûtiste Nikolai Song est le « Prix Découverte » de ces mêmes ICMA.
Drazen Domjanic fut donc contacté et cette année se tenait, du 12 au 19 février, le 6e « Festival Next Generation » au cours duquel se produisaient une quarantaine de jeunes musiciens de l’Académie : en soliste, en musique de chambre et en concertos. Pour la première fois se produisait l’Ensemble Esperanza, formé par les musiciens de l’Académie sous la conduite remarquable, tonique et efficace de la jeune violoniste Chouchane Siranossian, partenaire recherchée en musique de chambre et dont un CD paraîtra chez Alpha en compagnie de Jos Van Immerseel. Une autre première cette année, la soirée jazz avec les « Swing Kids », un groupe d’enfants suisses de 9 à 16 ans, des filles principalement.
Nous avons eu l’occasion d’entendre le pianiste Aaron Pilsan dans le Concerto en Ré Majeur de Haydn. N’est-il pas un peu présomptueux de penser à la fois jouer en soliste et diriger lorsque l’on a 20 ans ? Beaucoup de mimiques et de doigts mais peu de musique. Par contre, Andrei Ionita, un jeune violoncelliste roumain de 21 ans, Premier Prix du Concours Tchaikovski en 2015, était épatant de concentration, de vibrato, de pureté mélodique dans le Concerto en Ré Majeur de Haydn. Un violoncelliste sur lequel on peut certes compter. C’était la première prestation de l’Ensemble Esperanza qui, dans la 9e Symphonie pour cordes de Mendelssohn, se montra très prudent dans les tempi, ce qui gomma de la symphonie le côté aérien, idiome du compositeur. Mais c’était le premier soir ; les meilleures surprises viendront par la suite. L'après-midi du samedi était placé sous le titre « Asiens Junge Kunstler » et débuta avec le merveilleux jeune flûtiste de

Nikolai Song
Nikolai Song

Singapour, Nikolai Song, 13 ans : une sonorité magnifique, un phrasé naturel, une musique lumineuse, un don de communication peu commun, le bonheur du jeu et du partage dans la 6e Sonate en sol mineur de Vivaldi et une Fantaisie de Philippe Gaubert. Ce merveilleux moment était suivi de la prestation de Mao Fujita (Japon, 17 ans). Un tout autre univers : virtuosité au détriment de la beauté du son dans la Chaconne extraite de la 2e Partita de Bach/Busoni et Après une lecture de Dante de Liszt qu’il a le mérite de tenir d’un bout à l’autre avec cohérence mais faut-il pour autant briser l’ivoire au détriment des subtilités harmoniques de la partition ? Suivait un violoniste japonais de 16 ans, Rennosuke Fukada, qui ne semblait guère motivé cet après-midi. Où sont la justesse, le feu, le soleil quand on programme Fauré, Kreisler, Paganini et Wieniawski ? Dommage.
Le lendemain, à 11h, place à l’orchestre, aux cors, au violoncelle, au piano, au hautbois, au violon et aux flûtes où nous retrouverons avec bonheur Nikolai Song et la flûtiste slovène Eva-Nina Kozmus (21 ans) dans l’Andante et Rondo op. 25 de Franz Doppler. Avant cela, pour débuter ce concert-apéritif, les cornistes Viktor Praxmarer (27 ans, Autriche) et Marcel Ülsün (19 ans, Suisse) détaillaient avec panache et rare justesse un concerto de Telemann, suivis par une vision emplie de lumière du Concerto pour violon et violoncelle RV 547 de Vivaldi par la concertmeisterin Chouchane Siranossian et sa sœur Astrig (27 ans, France) également étudiante à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth. Un petit pianiste prodige ensuite : Alexander Denisov (Russie, 12 ans) qui reçut le bon conseil de jouer, à sa mesure, l’Allegro du Concerto en ré mineur BWV 1052 de J.S. Bach. Une écoute du son, du phrasé, une main calme sans peine avec le legato, une pulsation rythmique bien établie, que demander de plus ? Il se donna ensuite à une Mazurka de Chopin sortie tout droit d'un arbre généalogique imaginaire. Un réel jeune talent. Bach encore avec la violoniste Sara Domjanic (18 ans, Lichtenstein) et le hautboïste autrichien Adrian Buzac avant de retrouver le jeune Nicolai Song. Quant à l’orchestre, il donnait sa pleine mesure, communiquait sa joie de jouer ensemble, de donner la réplique à leurs jeunes compagnons. « Festival Next Generation », un label tourné vers l’avenir.
Bernadette Beyne
Bad Ragaz, les 12, 13 et 14 février 2016

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