Le maître et sa disciple dans Brahms et deux de ses contemporains (presque) inconnus !
Johannes BRAHMS
(1833 - 1897)
Sonate pour deux pianos en fa mineur op. 34a
Woldemar BARGIEL
(1828 - 1897)
Sonate pour deux pianos en sol majeur op. 23
Ignaz BRÜLL
(1846 - 1907)
Sonate pour deux pianos en ré mineur
Jean-Claude Vanden Eynden, Eliane Reyes, pianos2017- DDD-79'06"-Textes de présentation en français et anglais - Azur classical AZC 153
Quelques mois après avoir terminé son premier sextuor à cordes, Brahms ébauche à l'été 1861 un quintette à cordes en fa mineur qu'il soumet à Joseph Joachim et Clara Schumann; Joachim est réticent sur l'équilibre tandis que Clara Schumann estimait que les cinq instruments à cordes n'étaient pas suffisants pour la complexité de l'oeuvre et que certains thèmes appelaient le piano. Dans une volte-face radicale, à la mi-1863, Brahms réorganise la partition en une sonate pour deux pianos qu'il affectionnera particulièrement. C'est la version enregistrée ici. Dès 1864, il en fera la version de quintette avec piano (quatuor à cordes plus piano) qui remplira de satisfaction tant Joseph Joachim que Clara Schumann.
Pour nous, cette sonate est, avec la version deux pianos des variations sur un thème de Haydn, un des sommets de la littérature pianistique pour cette formation.
Woldemar Bargiel nous est pratiquement inconnu ; il est pourtant le demi-frère de Clara Schumann ; la mère de Woldemar avait, en effet, épousé en premières noces Friedrich Wieck, le père de Clara Schumann. Sa Sonate op. 23 est une oeuvre très mélodique et de structure classique ; Bargiel évoque ici plus Niels Gade que leurs amis communs Robert Schumann ou Johannes Brahms.
Il est amusant de remarquer que les indications de la page de garde du livret et du dos du CD ne fassent pas la distinction entre sonate pour deux pianos (celles de Brahms et de Brüll) et sonate pour (un) piano à quatre mains (celle de Bargiel). Dans une sonate à deux pianos, chacun des pianistes (et le compositeur) dispose de toute la largeur d'un clavier. Dans la sonate pour piano à quatre mains, par contre, les deux pianistes assis côte à côte voient leur liberté restreinte par la présence corporelle du partenaire ; le compositeur doit nécessairement en tenir compte dans sa partition. Le rédacteur de la notice, le compositeur Nicolas Bacri, précise astucieusement que la Sonate op. 23 de Bragiel est ici donnée à deux pianos !
Ignaz Brüll est un peu mieux connu depuis que la firme Hyperion a enregistré ses deux concertos pour piano dans sa série The Romantic Piano Concerto. Durant la période viennoise de Brahms, il fut membre de son cercle d'amis. Sa qualité de pianiste virtuose et sa proximité avec Brahms firent qu'ils déchiffrèrent à deux pianos les oeuvres orchestrales de ce dernier ; ce fut le cas des quatre symphonies et du second concerto pour piano. Sa sonate pour deux pianos s'en ressent ; son premier mouvement pourrait être signée du nom du jeune Brahms.
Jean-Claude Vanden Eynden et Eliane Reyes nous donnent une interprétation excellente de ces oeuvres : un ensemble parfaitement dosé, de jolis phrasés alliés à la perfection technique. La complicité entre le maître et son ex-élève est flagrante. Nous disposons ici d'une version de référence de la sonate de Brahms et, en prime, une vision captivante des oeuvres moins connues enregistrées ici en première mondiale. Un CD que l'on écoute avec fascination dans Brahms et avec la curiosité de la découverte chez Bargiel et Brüll.
Jean-Marie André
Son 10 – Livret 8 – Répertoire 7 (Bargiel, Brüll) - 10 (Brahms) – Interprétation 10