A Genève,  Gli Angeli de retour !  

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Après la longue période de confinement, l’Ensemble Gli Angeli et son chef, Stephan MacLeod, s’empressent de reprendre leur saison ; c’est pourquoi, lundi dernier, ils ont profité de la réouverture officielle des salles de spectacle à Genève pour donner un concert au Studio Ernest-Ansermet qui a accueilli un public nombreux mais qui, au vu de l’exiguïté des lieux, a obligé tout spectateur et une bonne partie des instrumentistes à porter un masque. 

Avec l’enthousiasme qu’on leur connaît, le chef et ses musiciens ont poursuivi leur présentation intégrale des symphonies de Haydn en choisissant la Quarante-cinquième en fa dièse mineur dite Les Adieux. Surprenante par sa tonalité absolument incongrue pour le XVIIIe siècle, et sa forme en cinq mouvements tout aussi peu orthodoxe, elle est portée ici  par une énergie fiévreuse qui annonce le ‘Sturm und Drang’ en ses contrastes véhéments où se glisse sporadiquement une nuance ‘piano’ des plus étranges. L’Adagio est intensément nostalgique avec le cantabile des cordes qu’embellissent deux hautbois. Par l’acidité de ses dissonances, le Menuet provoque l’effet de choc que le Trio s’emploiera à atténuer. Et le Presto se profile d’abord comme une ouverture d’opera seria, s’interrompant brutalement pour faire place à un Adagio où, peu à peu, les vents puis les cordes s’en vont, laissant aux deux violons solistes le soin de conclure en points de suspension…

En seconde partie est proposée une Symphonie concertante pour deux violoncelles et orchestre d’Anton Reicha, œuvre qui avait déjà été programmée le 5 mars mais dont l’exécution avait été rendue impossible par l’indisponibilité de Christophe Coin. Judicieuse idée que celle d’attirer l’attention sur ce musicien praguois ayant émigré à Bonn pour faire partie de l’orchestre de Cour en tant que flûtiste alors que Beethoven était l’un des altistes, puis ayant côtoyé Haydn à Vienne avant de s’établir à Paris où sa renommée de compositeur sera gommée par sa réputation de pédagogue émérite, ayant eu d’aussi prestigieux élèves que Berlioz, Liszt, Gounod ou César Franck. Et l’ouvrage présenté ici par les remarquables violoncellistes que sont Christophe Coin et Davit Melkonyan daterait des années 1805-1807 ; il impressionne par ses tutti grandioses qui le rapprochent d’un grand air d’opéra où les cors dialoguent avec les hautbois avant que ne s’impose le duo soliste échangeant d’épineux passaggi, tout en s’imprégnant d’une douloureuse tendresse sur la tenue des vents. Le Largo prend la dimension du chant large, du spianato chargé de pathétisme quand le Finale est un Alla marcia  scandé par les cors de chasse qui émoustillent le discours des deux violoncelles rivalisant de virtuosité torrentielle, ce qui suscite l’enthousiasme d’un public délirant.

Paul-André Demierre

Genève, Studio Ernest-Ansermet, le 15 juin 2020

Crédits photographiques : Eddy Mottaz

 

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