Le Villiers Quartet révèle des quatuors de jeunesse de William Alwyn

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William ALWYN (1905-1985) : Quatuors à cordes n° 6 à 9 ; Sept Airs irlandais pour quatuor à cordes. Villiers Quartet. 2020. Livret en anglais. 75.35. Lyrita SRCD.386.

William Alwyn n’occupe que quelques lignes dans l’Histoire de la musique anglaise de Gérard Gefen (Paris, Fayard, 1992, p. 264) : « De non moins solides qualités caractérisent l’œuvre de William Alwyn, né en 1905, qui, en dehors de nombreuses musiques de films, fort bien écrites, a composé entre 1949 et 1973 cinq belles symphonies que leur climat, souvent mystérieux, et leur originalité classent parmi les meilleures de leur école. » Cette description quelque peu lapidaire ne fait pas grand cas d’une production abondante qui comprend aussi deux opéras, de la musique pour orchestre, dont un concerto pour piano, de la musique de scène, de la musique chorale et vocale, de la musique pour piano et de la musique de chambre. Les cinq symphonies auxquelles fait allusion Gérard Gefen ont fait l’objet de deux CD dirigés par Alwyn lui-même à la tête du Philharmonique de Londres au milieu des années 1970 pour le label Lyrita. Ce même label, serviteur fidèle de cette musique anglaise en fin de compte si mal connue (alors qu’elle recèle d’insondables trésors), propose quatre quatuors de jeunesse de ce compositeur, né à Northampton, qui enseigna pendant un peu moins de trente ans à la Royal Academy of Music londonienne.

Avant d’aborder les quatuors 6 à 9, il faut évoquer la partition la plus précoce, les Sept Airs irlandais, composés en 1923. Alwyn a alors 18 ans. En près de neuf minutes, le jeune créateur s’est inspiré d’une collection d’airs irlandais du milieu du XIXe siècle, représentant chacun une région. L’ensemble est placé sous une tonalité néoclassique qui allie le charme à la joie. Alwyn en fera une suite pour orchestre en 1936. Le compositeur considérait que le quatuor à cordes représentait le plus intime moyen de communication et s’intéressait à la balance qui, selon lui, devait accompagner la structure instrumentale. Au cours de son existence, il a écrit seize quatuors, entre 1920 et 1984, les treize premiers se concentrant dans la période 1920-1936. 

Les Quatuors 6 à 9 datent des années 1927 à 1931. Alwyn est toujours à la recherche de son langage personnel ; encore influencé par la tonalité romantique, il s’intéresse à la modernité des recherches de son temps, notamment aux dissonances. Le Quatuor n° 6 de 1927, en quatre mouvements, est dédié à son professeur de composition John Blackwood McEwen (1868-1948), adepte de Wagner et de Sibelius. Alwyn s’inscrit dans cette ligne romantique tardive, avec des alternances de passages dramatiques ou mélancoliques. Deux ans plus tard, il compose le Quatuor n° 7, marqué lui aussi par un caractère intimiste, dont une Passacaille en guise de second mouvement, au cours duquel les intrications entre les instruments adoptent un côté dynamique avant une conclusion pianissimo. 

Alwyn cherche et aime la mesure et l’équilibre, ce qui entraîne parfois une certaine austérité qui va se manifester dans le Quatuor n° 8 de 1931, réparti en sept mouvements regroupés en trois courtes parties, l’ensemble, concentré, ne dépassant pas les treize minutes. L’idée initiale, très apaisée, se développe en différentes variations qui incluent un strict chromatisme dans le matériau mélodique avec des variations rapides et dynamiques de tempo. Installé dans la concision, Alwyn prolonge celle-ci dans le Quatuor n° 9, lui aussi de 1931, qui fait écho au Roméo et Juliette de Shakespeare qu’Alwyn admirait. En un unique mouvement de même durée que le quatuor précédent, le compositeur exprime le désespoir de Juliette lorsqu’elle constate la mort de Roméo. Un fortissimo d’une profonde puissance évocatrice trouble le calme initial pour dépeindre la tragédie avant de s’éteindre dans la sérénité. C’est une partition très poignante. 

Les quatuors d’Alwyn ne se laissent pas appréhender à la première audition. Leur austérité globale, marquée par des moments de lumière et de drame, se révèle de plus en plus prenante au fil des écoutes répétées ; celles-ci révèlent alors ce monde intime que le compositeur souhaitait insuffler à ses partitions, comme précisé ci-avant. Le Villiers Quartet (James Dickenson, Tamaki Higashi, Carmen Flores et Nick Stringfellow), qui a fait ses débuts chez Naxos avec les quatuors de Robert Still, a aussi enregistré les quatuors de Delius, Elgar ou Peter Racine Fricker, servant ainsi tout un pan du répertoire anglais moins ou peu fréquenté. Ces quatre instrumentistes donnent aux pages d’Alwyn leur juste dimension, mélange d’émotion, de pudeur et de confidence. L’enregistrement a été effectué les 18 et 19 juin 2019, en collaboration avec la Wiliiam Alwyn Foundation, à Monmouth, dans la propriété de campagne Wyastone Leys, datant de la fin du XVIIIe siècle, domaine aujourd’hui classé. 

Son : 9  Livret : 10  Répertoire : 8  Interprétation : 9

Jean Lacroix

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