Le violon limpide de Midori pour le concerto et les romances de Beethoven
Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op.61 ; Romances pour violon et orchestre n° 1 en sol majeur op. 40 et n° 2 en fa majeur op. 50. Midori, violon ; Festival Strings Lucerne, direction Daniel Dodds. 2020. Notice en anglais et en allemand. 56.08. Warner 0190295179205.
Avec Midori, le Concerto pour violon de Beethoven se traduit en termes de grâce et d’élégance, un peu à la manière de la photographie de la couverture de cet album, qui montre la soliste dans un geste d’offrande et d’accueil qui reflète le climat de son interprétation. Née à Osaka (°1971), Midori Goto a dès l’âge de neuf ans pu étudier aux Etats-Unis grâce à l’octroi d’une bourse. Pendant sa formation à la Juilliard School, elle fait ses débuts à onze ans dans le Concerto n° 1 de Paganini avec le Philharmonique de New York dirigé par Zubin Mehta. Elle se perfectionne, notamment avec Pinchas Zukerman. Sa carrière va vite se développer mondialement dès l’obtention de son diplôme en 1990. Parallèlement, elle va avoir une action philanthropique continue en créant des fondations pour aider les enfants du monde à apprendre la musique ; elle va aussi se consacrer à l’enseignement. Depuis longtemps, elle joue un Guarnerius del Gesù de 1734, jadis l’instrument de Bronislaw Huberman (1882-1947), dont la sonorité est lumineuse. Naturalisée américaine, Midori est à la tête d’une discographie qui comprend aussi bien les sonates de Bach que des grands concertos du répertoire. Le présent Beethoven vient s’ajouter à la liste.
Cette interprétation de la virtuose, gravée à Lucerne le 1er mars 2020, juste avant que la pandémie ne vienne jeter la pagaille dans les milieux artistiques, est faite de subtilité, de finesse et de noblesse mêlées. On est conquis par la pureté du son et par ce cantabile que Midori déploie avec tellement de dignité. L’Allegro ma non troppo initial est d’une grande clarté, dans le lyrisme comme dans le sens des nuances et la délicatesse de l’approche. L’artiste confirme cette grâce élégante souvent soulignée par les commentateurs de ses disques précédents et que nous lui conférons sans ambages. Il est difficile de résister à ce climat qui révèle un vrai classicisme et une transparence harmonieuse. Le Larghetto contient la poésie qu’il appelle dans son atmosphère de romance ; la limpidité si bien exprimée prend ici une vraie coloration émotionnelle. La joie du Rondo final se décline dans une solennité expressive où la pudeur et l’intériorisation n’empêchent pas la virtuosité de s’accomplir avec chaleur. Une belle version, épurée, bien en phase avec la prestation du Festival Strings Lucerne mené par Daniel Dodds (°1971), lui aussi violoniste et directeur artistique de cet ensemble depuis 2012, dont il est le konzertmeister. Il offre à la soliste une indispensable complémentarité. A noter que Midori a choisi les cadences de Fritz Kreisler, comme l’avait fait en son temps David Oïstrakh dans sa version avec André Cluytens.
Le complément de programme est judicieux : les deux Romances, parues à Vienne en 1802 et 1803, prolongent par leur dialogue incessant avec l’orchestre l’impression générale que dégage l’interprétation de Midori, celle d’une tranquille évidence. Les fans de cette artiste sensible, dont le prénom, sauf erreur, signifie en japonais « belle nature », seront comblés.
Son : 9 Notice : 8 Répertoire : 10 Interprétation : 9
Jean Lacroix