Musique symphonique d’Auber, volume 5 : une brassée de raretés 

par

Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871) : Zanetta : ouverture ; Entractes des actes II et III. Zerline : Ouverture ; Entracte de l’acte II ; Introduction et Airs de ballets de l’acte III. Philippe Musard (1792-1859) : Quadrille n° 2 sur l’opéra « Zanetta » de D.F.E. Auber. Janáček Philharmonic Orchestra, direction Dario Salvi. 2020. Notice en anglais et en français. 77.39. Naxos 8.574335. 

Voici déjà le cinquième volume de la vaste anthologie consacrée par Dario Salvi à des pages symphoniques tirées de la petite cinquantaine d’œuvres lyriques du prolifique Daniel-François-Esprit Auber, auteur -faut-il le rappeler ?- de la célèbre Muette de Portici dont la représentation bruxelloise du 25 août 1830 provoqua des troubles qui allaient conduire à la révolution belge contre l’occupant hollandais. Nous invitons le lecteur à se référer, pour les trois premiers volumes de cette édition, à nos présentations des 16 décembre 2019, 18 août 2020 et 10 janvier 2021. Nos appréciations étaient positives quant à l’intérêt de l’ensemble, qui propose des pages rares, souvent inédites, mais mitigées quant à l’interprétation. Pour les deux premiers volumes (Naxos 8.574005 et 8.574006), le chef italo-écossais Dario Salvi, un passionné de partitions peu courantes, ce qu’atteste sa discographie, était à la tête de l’Orchestre de Chambre tchèque de la Philharmonique de Pardubice. Pour les numéros 3 et 4 (Naxos 8.574007 et 574143), cette formation faisait place à l’Orchestre Philharmonique de Moravie. Cette fois, c’est le Janáček Philharmonic Orchestra, établi à Ostrava, qui officie. Ses racines remontent à 1929, l’appellation actuelle ayant été décidée au début des années 1970. Des personnalités comme Sir Charles Mackerras, Mariss Jansons, Christian Arming ou Vassily Sinaisky, son directeur artistique depuis deux ans, l’ont dirigé. 

En dehors de l’ouverture de Zanetta (1840), tout le programme est annoncé en première gravure mondiale. La présence d’une notice détaillée, en français, est bien utile pour situer cet opéra « sicilien » d’Auber, précision valable aussi pour Zerline (1851). Une troisième œuvre lyrique, Actéon, est à classer dans la même catégorie. La précieuse notice de Robert Ignatius Letellier, auteur de deux ouvrages sur Auber parus à Newcastle en 2010 et 2011, précise que l’action des deux opéras est centrée sur des personnages féminins forts : Zanetta, la jeune jardinière intrépide, et Zerline, la mère que l’on croyait disparue à jamais. La première conquiert l’homme qu’elle aime, et la seconde assure le bonheur de sa fille. On lira avec intérêt le descriptif détaillé des péripéties respectives.

De Zanetta, livret d’Eugène Scribe et Jules Henry Vernoy de Saint-Georges, on entend l’ouverture et deux entractes. Créé à Paris le 18 mai 1840, l’opéra, qui se déroule au Royaume de Naples au début des années 1740, est joué 35 fois avant d’être proposé dans plusieurs villes européennes, dont Bruxelles. Séduit, Wagner en a réalisé une réduction pour piano. Les trois extraits dévoilent une gamme de nuances entre alacrité, motifs de danse et dramatisation dynamique avec, dans l’ouverture très attrayante, des bois et des cors de chasse. L’accueil fait à Zanetta a incité le violoniste et chef d’orchestre Philippe Musard qui, à l’instar de Johann Strauss père, régala Paris de concerts promenades, à écrire un Quadrille en cinq figures (imposées) : pantalon, été, poule, pastourelle et finale. Ce morceau, d’une durée proche des neuf minutes, est bien caractéristique du succès de cette forme de danse de bal en vigueur en France dans la première moitié du XIXe siècle. Elle confirme en même temps la popularité de l’opéra d’Auber.

Zerline ou La Corbeille d’oranges, qui bénéficie aussi d’un livret de Scribe, est créé à Paris le 16 mai 1851 par la célèbre contralto italienne Marietta Alboni (1826-1894), dans un esprit léger qui évoque le vaudeville. L’action de l’opéra, donné seulement 14 fois, se déroule à Palerme pendant la Restauration italienne. La musique fait écho à celle de Rossini, avec sa couleur locale légère et festive. Le lyrisme de l’ouverture, dont l’auteur de la notice souligne que la trame comporte des intentions de dénonciation des inégalités sociales, est finement orchestrée, rehaussée par les accents de deux harpes. Les autres extraits, qui occupent plus de cinquante-cinq minutes du programme et dont la plupart proviennent du troisième acte, montrent l’originalité de la palette d’Auber à travers la peinture d’une danse styrienne, d’un pas chinois, d’un quadrille des fous, d’un bal d’enfants ou du carnaval de Palerme, le tout servi par un langage romantique qui se révèle habile, plaisant et la plupart du temps féerique. Une belle découverte.

Nous l’avons dit d’emblée : l’intérêt de cette série de gravures consacrées à la musique symphonique tirée des partitions lyriques d’Auber n’est pas à remettre en question. Et cette fois, nous n’avons pas les mêmes réticences quant à la qualité interprétative de ces pages méconnues. Avec le Janáček Philharmonic Orchestra, Dario Salvi hausse le niveau en termes d’investissement dynamique, de qualité des pupitres et de cohésion sonore. On prend un vrai plaisir, sans réserve cette fois, à écouter ce programme qui rend à Auber un hommage mérité. Réalisé à la Maison de la Culture d’Ostrava au début de décembre 2020, cet album propose aussi une belle qualité sonore.

Son : 9  Notice : 10  Répertoire : 8  Interprétation : 8

Jean Lacroix   



Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.