Smetana : Ma Patrie authentique  ? 

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Bedřich Smetana (1824-1884) : Ma Patrie. Collegium 1704, direction :  Václav Luks. 2021. Livret en anglais, français, tchèque et allemand. 78’56’’. Accent. ACC 2478. 

Accent publie la captation live d’une interprétation du cycle complet de Ma Patrie de Smetana, captée lors de l’inauguration du Festival Printemps de Prague 2021. Cette œuvre de Smetana, à la dimension nationale et épique, est toujours l’un des temps forts du festival pragois, d'autant plus qu'en 2021 ce concert correspondait à la fin des confinements. L’originalité de ce concert résidait dans la présence sur scène d’un orchestre sur instruments d’époque : le  Collegium 1704, sous la direction de Václav Luks. 

Proposer une interprétation “historiquement informée” sur des instruments d’époque de Ma Patrie n’est pas en soi novateur : en 1996, Sir Roger Norrington et ses London Classical Players (Virgin) avaient été invités à en donner un concert sur les rives de la Vltava avant d’en graver un album pour Virgin. On se souvient des cris d'orfraies des commentateurs de l'époque et l'accueil glacial qui avait été réservé à ce disque. 25 ans plus tard, cela ne choque plus tant l’interprétation sur instrument d'époque est devenue une norme pour ce pan du répertoire.  

Bien évidemment, pour qui a dans l'oreille les cycles de Ma Patrie sous la direction des grands chefs tchèques, passer à cette lecture est un choc auditif tant la masse instrumentale est dégraissée, d’autant plus que Václav Luks se concentre sur la musique pure, soignant thèmes, transitions et contrastes, ce qui fait ressortir le génie du compositeur tchèque en matière d’orchestration. Les timbres des pupitres sont également des plus savoureux tant dans leur beauté fruitée que dans leur transparence et la masse orchestrale est plus mobile. Mais toutes les parties ne sont pas cernées avec un bonheur égal, si on aime la dynamique et la fluidité de “Vyšehrad”, “Šárka” et “Blanik”, on regrette une certaine raideur de célèbre Moldau (Vltava) ou une approche trop scientifiquement instrumentale dans Tábor. Malgré la grande qualité de la direction dans son attention à la lisibilité des phrasés et aux équilibres instrumentaux, il manque un certain souffle dramatique à cette lecture. 

La prise de son est satisfaisante même si un peu étouffée dans les tutti et l’objet discographique est en soi superbe. 

Un album intéressant par son questionnement du texte musical et le sérieux apporté à l'interprétation, mais les références signées Talich (Supraphon), Ancerl (Supraphon), Kubelík (Supraphon ou Mercury), Mackerras (Supraphon), Dorati (Philips), voir Flor (Bis) sont insurpassables.  

Son : 9  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 8/9

Pierre-Jean Tribot

 

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