Les Étoiles du classique : les jeunes d’abord !

par

Soirée Piano

 

Créé par le violoniste Thomas Lefort à Saint-Germain-en-Laye, à l’ouest de Paris, le festival Les Etoiles du classique a rassemblé, pour la troisième édition du 26 au 30 juin, quelque 200 jeunes interprètes en 11 concerts. Nous avons assisté à la « grande soirée du piano », le 27 juin, avec trois pianistes en vue avec le soutien d’Yves Henry. 

Sur la scène du Théâtre Alexandre Dumas, à deux pas du château de Saint-Germain-en-Laye qui abrite le Musée d'archéologie nationale, se succèdent Arsenii Moon, Marina Saiki et Gaspard Thomas. Le Russe natif de Saint-Pétersbourg reçoit, outre le premier prix du 64e Concours international Ferruccio Busoni, de nombreuses récompenses dont « Sviatoslav Richter Grant » de la Fondation Mstislav Rostropovich, le Prix Yuri Temirkanov et Verbier Festival Tabor piano award. Dans son programme virtuose, Gaspard de la nuit de Ravel a encore beaucoup de marge de manœuvre, notamment dans l’expression du caractère charnel d’Ondine, de l’effroi du Gibet et surtout, de l’esprit malin et maléfique de Scarbo. Dans cette dernière pièce, sa virtuosité, d’ailleurs remarquable, l’emporte sur le symbolisme narratif. Le pianiste se laisse quelque peu aller par la fougue dans Mazeppa de Liszt ; cette belle spontanéité donne à la fois l’impression de lâcher-prise. L’acoustique de la salle, n’étant pas dédiée à la musique classique (très loin de là !) joue défavorablement aux interprètes, ce sentiment étant également confirmé chez Marina Saiki. 

Élève de Christian Ivaldi au CNSM de Paris et de Rena Shereshevskaya à l’Ecole Normale de Musique de Paris, Marina Saiki est une pianiste polyvalente dans le meilleur sens du terme. Si elle joue avec l’Ensemble Intercontemporain, elle étudie également le pianoforte, l’écriture et l’improvisation générative. Elle vient d’obtenir avec brio son prix de musique chambre au CNSM de Paris, en tant que membre du Trio Azuli. Sa sensibilité raffinée fait d’elle une excellente interprète de Chopin et de Ravel, comme l’ont témoigné ce jour sa Barcarolle et ses Jeux d'eau. Mais la montée émotionnelle vers le point culminant de ces pièces accompagnée de l’explosion éclatante tant attendue, peine à s’entendre. La deuxième sonate de Scriabine sonne beaucoup mieux, peut-être parce que le piano commence à bien s’acclimater à la salle et que nos oreilles s’y habituent… Toujours est-il qu’elle souligne à merveille le caractère encore chopinien de l’œuvre, mais une affirmation plus forte ferait une belle affaire pour forger davantage sa musicalité.

Gaspard Thomas est loin d’être inconnu dans la légion de jeunes pianistes talentueux. Le troisième prix et deux prix spéciaux au concours Szymanowski en 2023 ont été précédés, entre autres, par le deuxième prix et sept prix spéciaux au Concours Piano Campus à Pontoise en 2019. Son jeu ample, appuyé sur une lecture de la partition globale et approfondie, ne néglige cependant jamais les moindres détails. On sent à travers son interprétation une véritable réflexion, notamment dans la distribution de l’énergie générant un excellent équilibre tout au long de chaque pièce. C’est particulièrement audible dans l’Étude Tableau n° 5 de Rachmaninov, où la force sous-jacente est subtilement exprimée. Dans le scherzo n° 3 de Chopin, les doubles arpèges descendants de la partie médiane marquent un côté terrien alors qu’on attend quelque chose de plus aérien. Et juste avant la reprise du thème initial, on aurait voulu sentir plus de tension dans un élancé débouchant à un autre univers. 

À la fin, Yves Henry et Marina Saiki offrent à quatre mains La Moldau, puis, en bis, les quatre pianistes sur le même et seul clavier dans Galop-marche d’Albert Lavignac, une des rares pièces ( si ce n’est LA pièce) originellement écrites pour huit mains. 

Victoria Okada

Crédits photographiques : © Didier Blouin

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