Les Ombres ramènent en lumière les aristocratiques concerts de la Bach – Abel Society

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Bach – Abel Society. Johann Christian Bach (1735-1782) : Quatuor no 2 en ré majeur Op. 8 ; Sonate pour violon no 3 en ut majeur Op. 16. Carl Friedrich Abel (1723-1787) : Préludes en ré majeur WKO 195, en ré mineur WKO 205 [27 Pièces pour basse de viole] ; Sonate en ut mineur A2:60A ; Quatuor en sol majeur WKO 227. Franz Joseph Haydn (1732-1809) : Mary’s Dream ; John Anderson, My Jo ; I love my love in secret. Johann Samuel Schröter (c1753-1788) : Quintette en ut majeur Op. 1 ; Sonate VI Op. 7. Les Ombres. Margaux Blanchard, viole de gambe. Sylvain Sartre, flûte traversière. Fiona McGown, mezzo-soprano. Théotime Langlois de Swarte, violon. Justin Taylor, pianoforte. Hanna Salzenstein, violoncelle. Février 2021. Livret en français, anglais, allemand. TT 69’27. Mirare MIR584

Organisés à Londres entre 1765 et 1782, les « concerts Bach-Abel » furent un foyer majeur de la vie musicale européenne au XVIIIe siècle et participèrent à l’émancipation du style galant. Des soirées réservées à une élitiste audience qui pouvait se permettre d’acquitter la souscription. Leur caractère exclusif se dispensait de toute publicité autre que l’annonce du rendez-vous. Aucun programme n’a ainsi survécu, ce qui nous prive aujourd’hui de savoir précisément quel répertoire y était joué. La reconstitution d’un tel concert repose donc sur des conjectures.

Dans ce disque, la proposition de l’ensemble Les Ombres est aussi pertinente que sincère, rappelant par exemple que certains opus ici choisis sont néanmoins postérieurs à la période d’activité de ces événements mondains, ainsi le charmant Quatuor en sol majeur avec flûte, écrit dans une veine de pastiche et d’autocitation, où reluit la traversière de Sylvain Sartre. Leur sont également postérieurs les trois chants populaires écossais, tirés des quelques centaines que Haydn diffusa à la fin de sa carrière. Parmi la production vocale contemporaine, des Songs de William Boyce ou Thomas Arne auraient-ils mieux fait l’affaire ? En tout cas cette incursion lyrique s’avère plausible dans ce contexte, et nous offre trois séquences des plus plaisantes pour varier ce récital essentiellement instrumental. La présence de Johann Samuel Schröter dans ces concerts est attestée dès 1772 alors qu’il n’avait que vingt ans et venait de débarquer de la Cour de Saxe. Avant sa disparition prématurée, le jeune virtuose du clavier devint un musicien très apprécié de la capitale anglaise et contribua à l’essor du pianoforte.

Les deux tutélaires maîtres de cérémonie tiennent bien sûr une place d’honneur dans le CD, notamment Abel qui à lui seul en occupe presque la moitié, nous rappelant qu’il fut un des derniers grands gambistes de l’époque. Il est superbement servi par Margaux Blanchard : deux chatoyants Préludes solistes et une Sonate provenant d’un rare recueil découvert en 2014, que le Comte Maltzan (1733-1817), Ambassadeur de Prusse à Londres, ramena dans ses bagages à son retour en Silésie. Johann Christian Bach est représenté par un Quatuor de l’opus 8 (ici abordé avec flûte et viole), en deux parties tout comme la « sonate arrangée » dont nous entendons le Menuetto, dansé sur les pointes par Théotime Langlois de Swarte et Justin Taylor. Ne se sentirait-on privilégié d’être associé à de tels instants de grâce ? Tout au long de cette large heure de musique brille un plaisir exquis, émané d’une équipe qui nous enchante et qui, il y a deux siècles et demi, aurait certainement tout autant ravi les hôtes de marque de cette « Bach – Abel Society ».

Son : 9 – Livret : 9,5 – Répertoire : 8-9 – Interprétation : 10

Christophe Steyne

 



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