Les symphonies sous influence beethovenienne de Ferdinand Ries
Ferdinand Ries (1784-1838) : Symphonies n° 1 en ré majeur op. 23, et n° 2 en do mineur op. 80. Tapiola Sinfonietta, direction Janne Nisonen. 2024. Notice en anglais et en allemand. 52’ 42’’. Ondine ODE 1443-2.
Avoir un père qui donne des leçons à Beethoven et être l’élève de ce dernier ne garantit pas une postérité musicale de haute notoriété. C’est le cas de Ferdinand Ries, originaire de Bonn, dont le géniteur, Franz Anton, initie Beethoven au violon, tout en formant aussi son fils. La différence d’âge (quatorze ans) entre les deux musiciens de la cité du bord du Rhin n’empêchera pas leur amitié, comme en attestent leur correspondance et, plus tard, des souvenirs que Ries publiera. La distance géographique n’entravera pas non plus leur relation. Le jeune homme étudie à Munich, puis à Vienne, où il travaille le violon avec Beethoven, avant de se mettre à voyager en Allemagne, en Scandinavie et en Russie. Mais c’est Londres qui va lui ouvrir de larges perspectives, pendant une dizaine d’années, et ce dès 1813. Ries y est très apprécié comme concertiste et y rencontre le succès, au point d’être nommé parmi les directeurs de la Philharmonic Society de la capitale britannique. De retour en Allemagne, il occupe des fonctions, notamment de chef d’orchestre, à Aix-la-Chapelle et s’installe à Francfort-sur-le-Main, où il décède à un peu plus de 50 ans. Son catalogue comprend huit symphonies et des ouvertures, un mélodrame et quelques opéras, de la musique de chambre et vocale et des pages pour le piano.
Même s’il est quelque peu oublié des mélomanes, Ferdinand Ries bénéficie néanmoins d’une discographie significative : belle intégrale des symphonies par l’Orchestre de chambre de Zurich sous la direction de Howard Griffiths (CPO, 2006), concertos pour piano, musique de chambre et pages pour le piano chez CPO, Brilliant et Naxos. On peut aussi découvrir l’oratorio Die Könige in Israel et l’opéra Die Räuberbraut chez CPO, qui a fait beaucoup pour la connaissance de Ries. Aujourd’hui, c’est le label Ondine qui propose une nouvelle version de ses deux premières symphonies par l’enthousiaste Tapiola Sinfonietta, formation finlandaise fondée en 1987 et basée à Espoo, deuxième ville du pays, à quinze kilomètres d’Helsinki. Cette phalange aime explorer un répertoire moins courant, comme en attestent de récents concertos pour alto de Joseph Martin Kraus, mais aussi des pages connues, comme la superbe intégrale des concertos pour piano de Saint-Saëns, par les Kantorow, père et fils.
Les deux premières symphonies de Ries s’inscrivent dans la ligne de celles de Beethoven, dont elles ont subi l’influence, mais aussi de Mozart et du dernier Haydn. Datée de 1809 et composée à Bonn, la Symphonie n° 1 est celle d’un jeune compositeur de 25 ans ; elle a été créée en 1812 à Leipzig. Elle contient une série d’éléments qui font penser aux premières symphonies de son ami bonnois, s’ouvre par une introduction lente, suivie d’un Allegro molto vivace dynamique et énergique. Une Marche funèbre, comme dans l’Héroïque, sert de mouvement lent, avec un caractère martial et affirmé. Suit un Menuet de caractère rustique avec une allusion directe au Larghetto de la Deuxième beethovenienne, avant un final Allegro effervescent, qui se souvient lui aussi du maître, avec bois, cuivres et timbales à l’envi. Ries crée de jolies mélodies, mais le compositeur est à la recherche d’une originalité qui semble tarder à se manifester. Cela peut se comprendre face au monument qui lui sert d’exemple. Il faut donc écouter l’œuvre pour elle-même, sans tendre à la comparaison, pour en apprécier la substance et prendre un réel plaisir.
La Symphonie n° 2, en réalité la troisième composée, a été créée le 18 avril 1814 ; elle est dédicacée à Beethoven, dont elle rappelle encore l’ambiance globale de la Troisième. Ries est au début de son séjour en Angleterre, et reçoit une critique encourageante de la presse locale qui souligne l’efficacité d’un Andantino, bien orchestré, avec une mise en valeur du violoncelle, après un Allegro initial éloquent. Le Trio, au sein duquel trônent les vents, puis un final aux accents dramatiques concluent une partition qui ne peut s’empêcher, encore une fois, de se souvenir de l’influence de l’aîné, tout en alignant des idées musicales, notamment en forme de marche, qui donnent du corps à une inspiration qui cherche à se dépasser.
Sous la conduite de Janne Nisonen, qui pratique le violon, a été initié à la direction d’orchestre par Hannu Lintu et participe aux activités de la Tapiola Sinfonietta depuis 2020, la formation finlandaise donne de ces pages une version fraîche et juvénile, nerveuse et galbée. Cet album augure bien de la suite d’une intégrale symphonique, qui est annoncée ; elle permettra de cerner l’évolution de Ferdinand Ries, qui demeure un méconnu.
Son : 9 Notice : 10 Répertoire : 8 Interprétation : 10
Jean Lacroix