Linceul et réconfort à travers les époques, touchante anthologie vocale par les Gesualdo Six

par

Lux Aeterna. Oeuvres de Neil Cox (*1955), Thomas Tallis (c1505-1585), Donna McKevitt (*1970), John Tavener (1944-2013), Howard Skempton (*1947), Cristobal de Morales (c1500-1553), William Byrd (c1539-1623), Henry Purcell (1659-1695), Owain Park (*1993), Douglas Guest (1916-1996), Eleanor Daley (*1955), James O’Donnell (*1961), Joanna Marsh (*1970), Richard Rodney Bennett (1936-2012). Owain Park, The Gesualdo Six. Guy James, Andrew Leslie Cooper, contre-ténors. Joseph Wicks, Josh Cooper, ténors. Michael Craddock, baryton. Samuel Mitchell, Owain Park, basses. Mai 2021. Livret en anglais ; paroles en anglais, ou latin traduit en anglais. TT 67’30. Hyperion CDA68388

Inspirées par l’affliction, ces « lumières éternelles » en titre de l’album explorent « les réponses musicales au deuil et à la perte. En termes généraux, nous nous concentrons sur trois perspectives : l'incertitude, l’acceptation et l'espoir. [...] C’est une séquence pour les âmes défuntes, à écouter par ceux qui se les remémorent », selon les mots d’Owain Park. Le parcours s’alimente à des compositeurs de trois époques, la Renaissance (In ieiunio et fletu de Tallis, Parce mihi, domine ; Communio Lux aeterna tiré de la Missa pro defunctis a 5 de Morales, Peccantem me quotidie de Byrd), le Baroque (Thou knowest, Lord, the secrets of our hearts de Purcell) et surtout le répertoire contemporain.

Certaines pièces ont été commandées par les Gesualdo Six, ainsi I take thee de Joanna Marsh, ou créées pour l’occasion, ainsi Lumen de Donna McKevitt élaboré sur le cantique de Syméon, Nunc dimittis, nimbé d’hypnotiques tuilages. Une autre, la plus longue du programme, provient d’Owain Park lui-même, alors âgé de vingt-et-un ans : In Parenthesis écrite en 2014 pour commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale, sur un texte du poète gallois David Jones (1895-1974) qui servit dans les troupes des Royal Welsh Fusiliers. Un polyptique narratif, hétéroclite jusqu’à l’exubérance. L’ombre des péris au combat plane aussi, furtivement, sur le bref For the fallen de Douglas Guest scandé sur une déclamation syllabique. Emprunté au Requiem d’Eleanor Daley, In remembrance alterne la même scansion prosodique avec des passages en rythme ternaire, comme une solennelle sarabande.

Une douce ferveur, homophone, proche du plain-chant, ou chaleureusement entrelacée, émane de Funeral Ikos de John Tavener, dérivé du service orthodoxe pour les funérailles des prêtres. Une veine plus expérimentale se dégage de And there was war in heaven d’Howard Skempton, heurté par les visions de l’archange Saint Michel et son dragon. L’anthologie se referme, assez prévisiblement, sur le sommeil comme allégorie du repos éternel : A Good-Night de Richard Rodney Bennett, quand la mort se love dans une harmonie apaisante et douce-amère.

Ce florilège instruit toutes ces étapes dans un récital où, malgré la diversité des époques et styles, s’impose un ton propice au recueillement mais aussi à la réflexion sur l’humaine destinée. Pour les auditeurs francophones, dommage que les paroles ne soient pas traduites dans le livret. Depuis les débuts de leur collaboration avec le label Hyperion en 2018, les Gesualdo Six se sont déjà distingués par plusieurs disques à thème (Christmas, Fading) ou consacrés à des répertoires distincts (motets anglais, Renaissance italienne héritière de Josquin…). Cette nouvelle parution montre les sept chanteurs au sommet de leurs moyens. Captée dans une flatteuse acoustique (All Hallows, Gospel Oak), la somptueuse réalisation vocale sait nous emporter dans un paysage orienté, par des chemins choisis où la douleur abdique pour les visions de réconfort.

Christophe Steyne

Son : 9 – Livret : 8,5 – Répertoire : 7-9 – Interprétation : 9,5

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