L’œuvre d’orgue de Persichetti : une majorité d’enregistrements en première mondiale
Vincent PERSICHETTI (1915-1987) : Chorale Prelude, Give peace, O God, Op. 162 ; Auden Variations, Op. 136 ; Parable VI, Op. 117 ; Do not go gentle, Op. 132 ; Dryden Liturgical Suite, Op. 144. Hymn tunes : Ann Arbor ; Primal ; Foundations. Tom Winpenny, orgue de la Cathédrale de St Albans. Août 2019. Livret en anglais. TT 86’32. Toccata Classics TOCC 0549.
Personnalité majeure de la vie musicale américaine, influent pédagogue à la Juilliard School, Vincent Persichetti étudia à Philadelphie : au Combs College of Music, au Conservatoire et au prestigieux Curtis Institute. Il se forma au clavier. Aguerrissement au piano, auprès d’Olga Samaroff. Mais aussi l’orgue, qu’il apprit dès l’âge où ses jambes pendaient encore du banc. Il officia à l’église presbytérienne de la rue Arch Street de 1932 à 1948. De cette période date la Sonatine op. 11, écrite en 1940. Puis rien pour l’orgue pendant vingt ans, à une époque où il peinait à s’exprimer par la musique sacrée (les convictions religieuses de la famille étaient tiraillées entre catholicisme et quakerisme). La dizaine de pièces pour l’instrument s’échelonne entre 1960 et 1985.
Le copieux programme du CD se dévoue aux plus tardives, délaissant les plus jouées (telles que la Sonata op. 86, Shimah B'Koli op. 89, le choral Drop, drop slow tears op. 104) mais permettant ainsi d’afficher une quasi-totalité de first recordings.
Parable VI (1971) appartient à une série de vingt-cinq pièces, chacune consacrée à un soliste (dont harpe, piccolo, tuba, guitare…) ou petit ensemble. Dodécaphonisme, citation du motif BACH, structure libre (deux fantaisies encadrent un scherzo et une aria). Un quart d’heure prospectif, sentencieux, tantôt végétatif tantôt incantatoire, conturbé d’interjections en triolets de triple-croches.
Comme la Sonatine de 1940, Do not gentle (1974, d’après le célèbre poème que Dylan Thomas dédia pour son père mourant) est confié au seul pédalier dont il extirpe une déhortation sombre et torturée.
Œuvre la plus développée du corpus, les Auden Variations (1977) illustrent un autre grand poète britannique, dans un discours plus dépouillé, moins austère. L’hymne Our Father, whose creative Will (tiré du recueil For the Time being) sert de sujet à treize variations : elles se cisèlent avec parcimonie sur les tuyaux de la Cathédrale Saint-Alban, dont les ressources néoclassiques sont, sur le sol anglais, parmi celles qui s’accordent le mieux à ce langage nécessitant transparence, clarté et focalisation. Pour autant, Tom Winpenny (Assistant Master of the Music du lieu) suscite une écoute assez plate, faute de relief narratif.
Idem pour la Dryden Liturgical Suite (1980), où l’interprétation manque de tension, de projection, et même de vélocité si l’on compare la Toccata finale à l’enregistrement de Scott Dettra à Dallas, paru l’an dernier sur le label Gothic. « Inflame and fire our hearts » dit la partition qui ici exigerait un autre combustible qu’une scrupuleuse mise en place.
Tom Winpenny s’est déjà investi dans la méritoire valorisation de plusieurs compositeurs d’Outre-Manche (Charles Villiers Stanford, John Joubert, Peter Racine Fricker, John McCabe…). Son cycle Messiaen (Naxos) comprenait de remarquables réussites. On regrette vraiment de devoir conclure ces lignes en avouant que sur ce CD, hormis la curiosité qu’on prête à la découverte, on trouve le temps bien long. Tant en raison des pages abordées que de l’exécution qui ne suffit pas à les transcender.
Christophe Steyne
Son : 7 – Livret : 10 – Répertoire : 6 – Interprétation : 6