Louis-Victor Bak, Ambassadeur de la musique française
Claude Debussy (1862-1918) : Images Livres 1 et 2 ; Cécile Chaminade (1857-1944) : Sonate pour piano en do mineur, Op.21 ; Six études de concert, Op 35. Louis-Victor Bak, piano. 2023, livret en anglais et français. 48’48’’, Indésens Calliope IC052.
Assis devant un superbe piano Pleyel orné de marqueteries, un jeune homme semble jauger l’auditeur ; son nom -Louis-Victor Bak- est inscrit au milieu en gros caractères oranges et, au dessus, gris sur fond gris, en petits caractères, figurent ceux de Debussy et Chaminade. Nul doute l’interprète entend affirmer sa personnalité d’entrée de jeu.
Il s’explique lui-même du choix de son programme : « On pourrait croire que Claude Debussy et Cécile Chaminade n’ont pas grand-chose en commun hormis le fait d’être tous les deux Français et d’avoir vécu à la même époque -confie-t-il dans la récente interview donnée à Crescendo. Et effectivement ils ont chacun un style très différent qui leur est propre. Néanmoins il y a une chose qu’ils ont en commun et qui les relie, c’est le fait d’avoir été tous les deux des ambassadeurs de la musique et de la culture française. ».
A son tour, le jeune musicien actuellement établi à Londres se fait l’ambassadeur du répertoire français sachant mettre en valeur une certaine virtuosité romantique directement inspirée de Liszt et Chopin côté Cécile Chaminade et une suggestion harmonique habilement contrôlée côté Debussy.
L’ordre des œuvres ne suit pas la chronologie puisque Debussy et ses Images précèdent ici la Sonate pour piano en do mineur Op.21 et les Six études de concert Op. 35 de Cécile Chaminade. Le traitement novateur de l’instrument, objet des recherches de Claude de France comme de celles de Ravel et la virtuosité lyrique de Cécile Chaminade s’intervertissent. Par ailleurs, les deux versants stylistiques de ce récital court (48’48’’) sont prudemment joués non pas sur l’instrument français figurant sur la pochette mais sur un Steinway.
Élégantes, chaleureuses, les partitions de Cécile Chaminade datent de la grande époque de ses débuts, des concerts du Vésinet avec Marsik au violon, de la symphonie lyrique Les Amazones composée en 1884, créée à Anvers seulement en 1888, du ballet Callirohé représenté à Marseille la même année. Période créatrice qui se termine en 1887, fin de son idylle avec le médecin Paul Landowski (1843-1894). En dépit d’une brillante carrière internationale, un certain désenchantement, allié à une grande timidité, la conduiront ensuite à composer un grand nombre de pièces de salon de moindre envergure pour son éditeur. Par ailleurs, son Concertino Op. 107 qui ne figure pas ici, destiné à l’épreuve de flûte du conservatoire (1902) a peut-être rapproché Louis-Victor Bak de la compositrice puisque la flûte fut l’instrument d’étude de ce dernier jusqu’à l’âge de quatorze ans.
Doué d’une belle éloquence technique, le pianiste aborde ces pages d’un romantisme tardif, d’une manière personnelle, sérieuse et un brin nostalgique.
Une certaine distance émotionnelle lui permet de traiter également les deux livres Images (1905-1907) avec beaucoup de respect et d’exactitude. Paradoxale « traduction sonore du silence » selon l’expression d’Harry Halbreich, les plans harmoniques s’articulent naturellement dès les premiers Reflets dans l’eau tandis que le toucher net et précis fait surgir des couleurs subtiles que la prise de son aurait pu mieux mettre en valeur. La conclusion des Poissons d’or se perd ainsi dans les profondeurs tandis que l’hommage à Rameau sonne parfois feutré.
Quant à une forme de décontraction, de «légèreté fantasque » réclamée par le compositeur pour « Mouvement », voire l’ironie douce-amère qui nourrit l’esthétique poétique de l’auteur de Pelléas, elles restent à conquérir.
Comme le prétend Michel Dalberto, il n’est pas interdit de penser que Debussy trouvait l’intitulé de ses titres après en avoir écrit la musique !
Son 9 - Livret 7 - Répertoire 10 - Interprétation 10
Chronique réalisée sur base de l'édition SACD
Bénédite Palaux-Simonnet