Maestro Speranza Scappucci

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Directeur musical de l’Opéra Royal de Wallonie à Liège, Speranza Scappucci s’est imposée comme l’une des cheffes d’orchestre les plus demandées dans le domaine de l’opéra. Entre Washington, Dresde et avant Toronto, Vienne ou Paris, la musicienne dirige ses troupes liégeoises dans « I Puritani » de Bellini.

Vous dirigez actuellement "I Puritani" de Bellini à l’opéra de Liège. Dans ce type d’oeuvre de bel canto, on a souvent l’idée (sans doute à tort) que les parties d’orchestre sont peu intéressantes à l’inverse des parties chantées. Qu’en pensez-vous ?

Dans tous les opéras de Bellini, ou d’ailleurs de Donizetti, les accompagnements de l’orchestre sont très importants, car c’est à travers les couleurs et la manière de phraser que l’on donne les impulsions aux chanteurs. C’est beaucoup plus difficile de bien jouer, et de jouer de manière expressive, un triolet chez Bellini qu’une cascade de notes dans un autre répertoire ! Les solistes de l’harmonie et les cuivres sont aussi très exposés.

À Liège, nous présenterons une version pratiquement sans coupures, et avec beaucoup de variations écrites par les chanteurs ou par moi-même. En outre, nous respecterons les finales des différents numéros telles qu’écrites par Bellini lui-même, avec la possibilité de chanter des notes très aiguës sur les accords de dominante, mais pas sur les toniques à la fin des numéros (ce que l’on appelle en italien des puntature in su).

Dans le répertoire symphonique, il y a beaucoup de travail et de tentatives pour éditer des Urtext(en) et retrouver les couleurs instrumentales d’origine. Est-ce que cela à un sens pour le répertoire lyrique ? Est-ce que ce rapport à ‘l’authenticité’ historique a un sens pour vous ?

Naturellement, oui : nous devons toujours être fidèles à la volonté du compositeur. C’est pour cette raison que nous jouerons I Puritani, pour la première fois en live, quasiment sans coupures. Nous jouerons même de la musique qui est habituellement coupée : un trio dans le 1er acte et une partie de duo dans le 2ème acte, par exemple.

Quand on regarde votre biographie, on constate que vous avez mené un apprentissage “à l’ancienne” dans le monde lyrique : répétitrice, puis assistante avant de diriger des représentations. Est-ce que c’est un parcours encore obligatoire en ce début de XXIe siècle ?

Rien n’est obligatoire dans la vie. Ce qui est important, c’est que l’on doit beaucoup étudier pour diriger. Chacun a son parcours. J’ai eu le mien, et je pense que j’ai beaucoup réfléchi avant de monter sur le podium : j’ai pensé qu’après 15 années à gravir les échelons, le moment était venu. Mais d’autres auront leurs parcours propres…

De plus en plus de jeunes chefs (et même de jeunes cheffes) délaissent le domaine lyrique pour se concentrer uniquement sur le concert. Que pourriez-vous leur dire, par rapport à la pratique de leur métier, pour les inciter à s’investir dans le répertoire lyrique ?

L’opéra est difficile : c’est plus « simple » de diriger uniquement un orchestre. À l’opéra, le chef doit savoir gérer les chœurs, l’orchestre, le tout en harmonie avec la mise en scène. Mon conseil serait d’apprendre le plus possible de choses sur les voix, et comment travailler avec le chant. Sinon, c’est très difficile…

Lors de la prochaine saison à l’opéra de Liège, vous allez diriger La Sonnanbula dans une mise en scène de Jaco Van Dormael ? Qu’attendez-vous de cette collaboration avec ce cinéaste ?

Nous verrons bien… J’ai déjà parlé du spectacle avec lui, et son projet me semble très intéressant !

Sur cette saison et la prochaine, vous avez (et vous allez) diriger Verdi, Bellini et Rossini. Comment inculque-t-on à l’orchestre la connaissance de ces différents styles ?

Chaque répertoire a ses difficultés et ses particularités. Avec l’orchestre, je travaille toujours sur le son et les différents styles.

Quels sont les chefs et cheffes d’orchestre que vous admirez ?

Aujourd’hui, des « Maestri » tels que Riccardo Muti, Christian Thielemann, Kirill Petrenko, Vladimir Jurowski, Simone Young ou Susanna Mälkki.

Vous avez été la quatrième maestra à diriger dans la fosse du Staatsoper de Vienne et la première cheffe à diriger le bal de l’Opéra de Vienne. Est-ce que cela a un sens particulier pour vous ?

Oui, certainement. Mais je pense qu’un jour, on ne parlera plus de ces « exceptions » parce que cela voudra dire que l’on nous considérera simplement en tant que chefs d’orchestre, et que l’on ne soulignera plus si l’on est une femme ou un homme.

J’ai lu que vous étiez fan de la Juventus de Turin. Comment est née cette passion pour ce club de foot ?

J’aime tous les sports, et le football en particulier. La Juventus était le club préféré de mon grand-père, et donc il nous a fait tomber amoureux de la Vecchia Signora dès le début !

Que faites-vous quand vous ne dirigez pas ?

J’étudie, j’étudie et j’étudie encore !

Le site de Speranza Scappucci : www.speranzascappucci.com

Le site de l’Opéra royal de Wallonie : www.operaliege.be

Crédits photographiques : Opéra Royal de Wallonie-Liège

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

 

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