Magie du quatuor à cordes

par

Béla BARTÓK
(1881 - 1945)
Quatuor à cordes n° 1
Erwin SCHULHOFF
(1894 - 1942)
Cinq pièces pour quatuor à cordes
Léos JANACEK
(1854 - 1928)
Quatuor à cordes n° 2 « Lettres intimes »
Quatuor Voce
DDD–2016–69’ 56’’–Textes de présentation en français, anglais et allemand–Alpha 268

Béla BARTÓK
Quatuors à cordes n° 2, n° 4 et n° 6
Quatuor Jérusalem
DDD–2016–78’ 51’’–Textes de présentation en français, anglais et allemand–Harmonia Mundi HMC 902235

Paul HINDEMITH
(1895 - 1963)
Intégrale des quatuors à cordes
Quatuor Amar
DDD–2016–64’ 39, 71’ 13’’ et 67’ 23’’–Textes de présentation en anglais et en allemand–Naxos 8.572163, 8.572164 et 8.572165

Alexandre TANSMAN
(1897 - 1986)
Deux mouvements pour quatre violoncelles
Joseph JONGEN
(1873 - 1953)
Deux pièces pour quatuor de violoncelles op. 89
Pierre PETIT
(1922 - 2000)
Suite pour quatre violoncelles
Rudolf MATZ
(1901 - 1988)
Quatuor en ré mineur
Jules de SWERT
(1843-1891)
Pensée élégiaque
Quatuor Tansman
DDD–2016–64’ 39’’–Textes de présentation en anglais, français et néerlandais–Antarctica Records AR0001

La place qu’occupent les quatuors à cordes dans la production discographique est considérable, presque himalayenne, et il ne se passe d’ailleurs pas un mois sans que de nouveaux enregistrements voient le jour. Constatation frappante, un grand nombre d’entre eux est consacré aux quatuors de compositeurs du XXe siècle, des plus célèbres aux plus méconnus. Et parmi eux il y a forcément Béla Bartók, dont le six quatuors sont des sommets du genre, surtout par leur extrême qualité d’invention. Le Quatuor Voce en propose le premier sur un disque, où figurent aussi les Cinq pièces pour quatuor à cordes d’Erwin Schulhoff et le Quatuor à cordes n° 2 de Léos Janacek. Avec ce Quatuor à cordes n° 1 esquissé dès 1907 et créé en 1910 à Budapest, Béla Bartók parachève l’héritage beethovénien et se projette sur l’avenir, non sans se référer à quelques-uns de ses devanciers comme Richard Wagner (le Wagner de Tristan), Max Reger ou Claude Debussy. L‘interprétation du Quatuor Voce est très belle, très sensible. Comme l’est celle du magnifique Quatuor à cordes n° 2 baptisé « Lettres intimes » de Léos Janacek, dont on sait que les quatre mouvements ont été écrits en moins de trois semaines, cinq mois à peine avant la mort du musicien, et dont l’architecture profondément lyrique est un foyer inépuisable d’émotions.

Pour sa part, le Quatuor Jérusalem donne une nouvelle et scrupuleuse lecture des Quatuor à cordes n° 2, Quatuor à cordes n° 4 et Quatuor à cordes n° 6 de Béla Bartók – trois pièces capitales achevées respectivement en 1918, 1928 et 1939 et correspondant toutes les trois non seulement aux évolutions formelles et esthétiques du compositeur, mais en outre aux nombreuses vicissitudes de son existence. C’est ainsi que Quatuor à cordes n° 6 s’inscrit dans le sillage direct de la Musique pour cordes, percussion et célesta, de la Sonate pour deux pianos et percussion et du Divertimento, trois de ses plus grands chefs-d’œuvre, et qu’il est marqué -contaminé ?- par le début de la Seconde Guerre mondiale, l’état de santé critique de sa mère et la perspective toute proche de son exil forcé aux États-Unis. Et voilà pourquoi ce Quatuor à cordes n° 6 en quatre mouvements (quatre mestos, c’est-à-dire « tristes ») est si âpre, si désespéré, si sombre, si tragique et, on ne peut pas ne pas le reconnaître, si ouvertement beethovénien.

Malgré leur haute tenue, les sept Quatuors à cordes de Paul Hindemith sont beaucoup moins connus et moins joués que ceux de Béla Bartók. Ils ont été écrits entre 1918 et 1945 et, comme l’a relevé Harry Halbreich, il constituent « la clef de voûte de l’abondante musique de chambre » de l’auteur, lequel dans les années 1920, on a trop tendance à l’oublier de nos jours, faisait figure d’avant-gardiste et même de révolutionnaire, notamment à travers ses opéras en un acte tels qu’Assassin, espoir de femmes (1921) ou Santa Susanna (1922). Aucune de ces sept partitions ne laisse indifférent, mais ce sont sans conteste le Quatuor n° 4, datant de 1921, et le Quatuor n° 5, datant, lui, de 1943, alors que Paul Hindemith s’était, à l’instar de Béla Bartók, exilé aux Etats-Unis, qui sont les plus riches et les plus denses, voire les plus raffinés. Il n’est du reste pas exagéré de prétendre qu’ils sont la quintessence d’un style qu’on n’éprouve aucune peine à identifier et qui se caractérise par une puissance expressive stupéfiante.
La présente intégrale est jouée ici par le Quatuor Amar fondé en 1995, en hommage à Paul Hindemith. Faut-il rappeler qu’en 1921, celui-ci avait créé son propre quatuor à cordes dans lequel il tenait l’alto, son instrument favori, et qu’il l’avait baptisé… Quatuor Amar ?

Le Quatuor Tansman, en ce qui le concerne, est né en 2010 de la rencontre de quatre musiciens originaires de trois pays différents : l’Albanie, le Brésil et la Belgique. Le programme qu’il propose a le mérite de sortir des sentiers battus grâce à cinq morceaux qu’on n’entend guère et qui sont successivement dus à Alexandre Tansman (ne serait-ce que pour honorer le nom que la jeune formation a choisi de porter), Joseph Jongen, Pierre Petit, Rudolf Matz et Jules de Swert, un compositeur et violoncelliste belge du XIXe siècle, natif de Louvain. On aurait tort de le bouder. Non, ce ne sont pas les cimes de la musique pour cordes, mais leur attrait est réel (en particulier le beau et serein Quatuor en ré mineur en cinq mouvements du Croate Rudolf Matz). À découvrir.
Jean-Baptiste Baronian

Son 8 – Livret 5 – Répertoire 10 – Interprétation 9
Son 8 – Livret 6 – Répertoire 10 – Interprétation 7
Son 7 – Livret 5 – Répertoire 9 – Interprétation 8
Son 8 – Livret 6 – Répertoire 6 – Interprétation 9

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