Mélodies et musique de chambre de la méconnue Luise Adolpha Le Beau

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Luise Adolpha Le Beau (1850-1927) : Cinq Mélodies op. 4 ; Trois mélodies op. 11, arrangement pour quatuor à clavier et mezzo- soprano par Henrik Ajax ; Trois mélodies op. 18 ; Trois mélodies op. 39 ; Trois mélodies pour alto, violon et piano op. 45 ; Quatuor à clavier en fa mineur op. 28. Le Beau Ensemble. 2024. Notice en allemand et en anglais. Textes chantés non insérés. 60’ 42’’. Oehms OC1732.

Même si, dans le Deutsche Frauenblättern de 1886, elle a été considérée, sous la plume de la poétesse Luise Hitz, comme « la première compositrice remarquable de l’Allemagne », même si des enregistrements lui ont déjà été consacrés, notamment son Trio op. 15 chez MDG ou Bayer Records, Luise Adolpha Le Beau, née à Rastatt, dans le Bade Wurtemberg, demeure méconnue. Talent précoce, elle reçoit des premières leçons de piano de son père, gradé au Ministère de la Guerre de Baden-Baden, mais aussi compositeur à ses heures et en charge d’une société de musique locale. Sa formation se poursuit à Karlsruhe, où elle donne un concert en 1867, ce qui la fait remarquer par Hermann Lévi. Celui-ci l’oriente vers Clara Schumann, qui ne lui donne qu’un petit nombre de leçons. C’est ensuite le perfectionnement à Munich, où, recommandée par Hans von Bülow, elle prend des cours privés auprès de Josef Rheinberger, pédagogue réputé. Attirée par l’enseignement, elle fonde à Munich une école de musique en 1878, et se produit fréquemment et avec succès en concert en Allemagne, mais aussi à Vienne et à Salzbourg. Elle enseignera, au gré des déménagements familiaux, à Wiesbaden, à Berlin, puis à Baden-Baden, où elle s’installe et où elle mourra.   

Son catalogue, qui couvre tous les genres, y compris deux oratorios et un opéra, est joué de temps à autre de son vivant, en particulier à Baden-Baden, où elle bénéficie de la protection de la Grande-Duchesse. Elle pratique aussi la critique musicale. Elle écrit des Mémoires en 1910 ; la notice de la musicologue allemande Ulrike Keil, autrice d’une étude la concernant, noua append que ces souvenirs prennent la forme d’un pamphlet qui s’insurge contre les préjudices causés aux femmes compositrices, mais s’intéressent aussi à la vie musicale du temps. Le présent album restitue cinq de ses cycles de mélodies (on en relève 26, publiés de son vivant), ainsi que son Quatuor à clavier op. 28, donné avec succès à Leipzig en 1883. C’est l’Ensemble Le Beau, fondé en 2019 (Henrike von Heimburg, piano ; Ruth Gierten-Hollingshaus, violon ; Liese Mészár, alto ; Trude Mészár, violoncelle) qui officie, avec la mezzosoprano Nadia Steinhardt. Depuis sa formation, cet ensemble s’est voué exclusivement à faire connaître l’œuvre de cette compositrice, dans différentes configurations. Il s’agit de son premier album, enregistré en juillet 2024 dans l’église de Achern, localité proche de Rastatt, où Luise Adopha Le Beau a vu le jour. Les cinq cycles ici gravés et l’opus 28 sont le reflet de son activité entre 1877 et 1898. 

Pour les textes, la compositrice, dont le style est typique du romantisme tardif, puise à différentes sources poétiques connues, qui alimenteront d’autres créateurs, comme Schumann, Wolf ou Richard Strauss, ou moins fréquentées. Les Cinq mélodies de l’opus 4 (1877) s’inspirent d’une mosaïque d’auteurs, d’où émergent Ludwig Uhland et Joseph von Eichendorff, qu’elle pare de chaud lyrisme, qualité qui sera la caractéristique essentielle de toutes ses mélodies. Celles-ci ont la particularité d’être brèves, chacune se situant au-dessous des trois minutes. On peut donc parler de miniatures. Les cinq de l’opus 11 (1876), ici dans un arrangement pour quatuor à clavier et mezzo que l’on doit au compositeur allemand Henrik Ajax (°1980), se nourrissent de poèmes de Georg Freiherr von Dyherrn, mort à trente ans en 1878, dont Das Zauberlied, mis en musique en 1866 par Erik Meyer-Helmund (1861-1932), a été chanté notamment par Lotte Lehmann et Richard Tauber. De ce cycle de Le Beau, on retiendra avant tout le climat dramatique de Der Spielmann.

L’opus 18 (trois mélodies d’après trois poètes, dont Julius Sturm, écrites juste après les leçons auprès de Rheinberger, et publiées en 1886), l’opus 39 (1884-1890, trois mélodies charmantes d’après Rudolf Gernss, dont un touchant Wiegenlied) et l’opus 45 (1898) s’ajoutent au programme. Pour ce dernier cycle, où le piano et le violon accompagnent la voix, appel est fait à deux reprises à Julius Kerner, qui inspira Schumann, et une troisième fois à Peter Cornelius, un élève de Liszt. Ici, Luise Adolpha Le Beau oscille entre atmosphère nocturne et sérénité dans ce court cycle, dont la profondeur nous touche. 

Hélas, aucun texte de cette vingtaine de mélodies n’est reproduit dans la notice, ce qui entraîne une frustration chez qui ne pratique pas la langue allemande. Cette lacune éditoriale est rédhibitoire ; il ne reste dès lors qu’à se laisser bercer par la voix de la mezzosoprano Nadia Steinhardt, qui, si elle traduit assez bien l’émotion vocale globale, se révèle parfois quelque peu monocorde. Ses divers partenaires, répartis sur les cinq cycles, se révèlent, de leur côté, attentifs à traduire le lyrisme ambiant.

Le Quatuor à clavier op. 28, qui clôture le programme, date de 1883 et a été créé avec succès à Leipzig, nous l’avons dit. Au cours de ces vingt-cinq minutes, on pense souvent à Mendelssohn, en particulier dans un superbe Adagio, le tout baignant dans un climat romantique plaisant. Belle interprétation de l’Ensemble Le Beau, qui souligne avec chaleur les qualités créatrices de celle dont il porte le nom.

Son : 8    Notice : 5    Répertoire : 8,5   Interprétation : 8

Jean Lacroix   

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