Mendelssohn et Mahler avec le Filarmonica della Scala à la Philharmonie de Luxembourg

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Ce lundi 16 mai a lieu le concert du Filarmonica della Scala à la Philharmonie de Luxembourg. Au programme le Deuxième Concerto pour violon en mi mineur de Félix Mendelssohn Bartholdy et la Première Symphonie en ré majeur, dite « Titan » de Gustav Mahler. Riccardo Chailly, qu’on ne présente plus et dont la réputation n’est plus à faire, dirige la phalange milanaise. Ray Chen, lauréat du Concours Reine Élisabeth en 2009 mais aussi du Concours Yehudi Menuhin en 2008, est le soliste du soir. Il joue le Stradivarius « Samazeuilh » de 1735, prêt de la Nippon Music Foundation, ayant autrefois appartenu au célèbre violoniste américain Mischa Elman.

Le Concerto pour violon en mi mineur, véritable tube romantique du répertoire concertant pour violon, ouvre la bal. Après deux mesures d’introduction, c’est déjà au tour du soliste d’entrer en piste dans cet Allegro molto appassionato. Il expose le thème dans un piano souple mais franc. Ce thème est repris quelques instants plus tard par l’orchestre, le tout dans la continuité du violoniste. Après avoir brillé sur cette première mélodie arrive le deuxième thème. Ce dernier est amené avec beaucoup de délicatesse par les bois avant d’être rejoint par le soliste. Les cordes vont prendre le relais des bois et accompagner à leur tour le violoniste avec grâce. S’en suit le développement menant à la cadence écrite du soliste. Il l'interprète avec brio et virtuosité. De belles intentions musicales et surtout de beaux contrastes font de cette cadence une grande réussite. À la fin de celle-ci, l’orchestre rentre subtilement et en parfaite harmonie avec le rythme continu que joue Ray Chen. La coda, brillante et puissante, s’achève sur une note tenue du basson qui lance l’Andante. Ce deuxième mouvement est un lied ternaire d’une grâce rêveuse et sentimentale et cela se ressent dans l’interprétation du soliste. Les longs ondoiements qu’il exécute sont tout simplement d’une grande tranquillité et musicalité. Ce mouvement s’achève tout en douceur avec un moment de complicité entre le soliste et les bois. Le dernier mouvement, Allegro molto vivace, est amené par l’Allegretto non troppo qui assure la transition entre cette partie lente et la partie rapide qui suit. Cette dernière partie laisse place à un dialogue plus serré et volubile entre l’orchestre et le soliste. Le motif rythmique est interprété avec clarté et l’orchestre soutient le violoniste avec beaucoup de précision. Vers la fin de ce mouvement, nous entendons un magnifique thème aux violoncelles alors que Ray Chen enchaîne les traits virtuoses. Cette virtuosité n’est jamais gratuite puisqu’un jeu violonistique parfaitement maitrisé dans l’expression tout comme dans les effets de brillance est requis. C’est ce qu’il réalise de manière grandiose, à l’image de la fin du concerto. Le maestro Riccardo Chailly a parfaitement mené la barque de son navire milanais qui, tout au long de cette pièce, a magnifié la prestation de Ray Chen. Ce dernier a interprété l’œuvre de manière virtuose tout en restant dans la sobriété et dans les raffinements du style concertant. Un public conquis ovationne les artistes pour cette prestation. Le soliste s’exprime pour remercier le public de l’accueil reçu mais aussi la phalange milanaise et son chef. Il interprète brillamment le Caprice N°21 de Paganini pour gratifier un public très enthousiaste.

Après la pause, place à la Première Symphonie en ré majeur de Gustav Mahler, dite « Titan ». Dès l’introduction du premier mouvement l’orchestre installe un climat des plus mystérieux. La musique, lente et trainante, semble presque immobile. Une fanfare émise par les clarinettes dans un son très naturel va venir mettre un peu de mouvement dans cette introduction. Peu à peu le tempo s’anime et le thème principal du mouvement va surgir chez les violoncelles le jouant avec délicatesse. Le reste du mouvement est basé sur cette mélodie mais variera grâce à des tempi habilement choisis par Riccardo Chailly. Après être arrivé à un sommet d’intensité prometteur pour la suite de l’œuvre, le développement central retrouve l’immobilité du début. La harpe, les violoncelles et les bois se distinguent par la beauté de leurs interventions. La suite s'assombrit notamment grâce à une grosse caisse apportant une certaine gravité. La réexposition et la coda, triomphales, sont annoncées par deux fanfares jouées par les trompettistes. La fin du mouvement est assez impressionnante, tout comme le timbalier qui est spectaculaire dans le dernier trait qu’il joue avec beaucoup de caractère. 

Le deuxième mouvement, un ländler puissant et agité, commence avec un jeu très articulé des cordes avant que les bois n’entament la mélodie dans le même caractère. Ce thème va circuler jusqu’au trio, le tout entrecoupé d’interventions percutantes, notamment de la part de trompettes nasillardes. Le trio, passage centrale de cette partie, est annoncé par un solo de cor parfaitement exécuté. Ce trio est une valse lente interprétée avec calme et tranquillité. La musicalité vient couronner ce moment de quiétude. Les 4 mesures de solo au cor, à nouveau parfaitement jouées, sonnent le glas de cette valse lente. Le thème du début revient avec une belle énergie, du caractère et de l’articulation pour clôturer ce ländler.

Le troisième mouvement, peut-être le plus connu avec sa référence à la comptine Frère Jacques, est une marche funèbre. Le timbalier, commençant seul, et le contrebassiste se sont démarqués. Le premier parce qu’il occupe une place importante avec son ostinato, le deuxième parce qu’il énonce seul le thème en mineur de Frère Jacques. Ce thème est d’ailleurs offert avec solennité et sobriété par une grande partie de l’orchestre. Le hautbois, rejoint plus tard par la clarinette, joue un motif assez rythmé d’un air provoquant et ironique. Le thème bohémien, interprété d’un air malicieux, succède au canon. Le passage central du mouvement est un havre de paix. L’orchestre transmet une certaine tranquillité, une certaine quiétude quelque peu innocente avant de revenir à cette marche funèbre, brièvement interrompue par une poignante mélodie aux trompettes. Ce troisième mouvement se termine en douceur jusqu'à ne plus rien entendre. Il faut souligner la complicité des musiciens qui font voyager les différents thèmes avec beaucoup d’aisance.

Le dernier mouvement est le plus sombre des quatre. L’orchestre en donne une version tourmentée et agitée comme il le requiert. Le contraste est total par rapport aux mouvements précédents. L’innocence que l’on retrouve dans les trois premiers mouvements se métamorphose en un climat dramatique. 

Cette interprétation est exceptionnelle en tout point. Tout y est, que ce soit les nuances, le caractère, la justesse, la conduite musicale, la complicité ou encore la précision. Le final du mouvement est magistral. Les fanfares l’annonçant sont grandioses. Que dire si ce n’est que la prestation délivrée par Riccardo Chailly et le Filarmonica della Scala se conclut de la plus belle des manières. Cette maitrise de l’œuvre dirigé par un Chailly à l’écoute de ses musiciens et qui prend soin des différents timbres des instrumentistes est inouïe.

Le public réserve une standing ovation impressionnante dès la fin des dernières notes de la symphonie. Les applaudissements ont longtemps résonné dans la salle. Le public se souviendra du talent et de la virtuosité de Ray Chen et de cette titanesque oeuvre qu’est la Première Symphonie de Mahler.

Luxembourg, la Philharmonie, le 16 mai 2022

Thimothée Grandjean, Reporter de l’Imep

Crédits photographiques : Philharmonie Luxembourg

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