Une nouvelle biographie de Lully

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Bénédicte Palaux Simonnet : Jean-Baptiste Lully. Paris, Bleu nuit éditeur, Collection Horizons n° 93. ISBN 978-2-35884-120-7. 2022, 176 p. 20 euros. 

Dans la collection « Horizons » de la maison parisienne Bleu nuit, qui comptera bientôt une centaine de titres, Bénédicte Palaux Simonnet, bien connue des lecteurs de Crescendo pour ses nombreux articles, propose une nouvelle biographie du Surintendant de la musique du Roi-Soleil. Elle a déjà signé en 2019 un Ravel (n° 71 de la série) pour le même éditeur. 

La vie de Lully (1632-1687) court sur un demi-siècle qui coïncide avec la période la plus flamboyante du règne du jeune souverain mais aussi la plus mouvementée, écrit l’auteure. L’aventure musicale commence vraiment pour Lully en 1653, à la fin de la Fronde, lorsqu’il participe au Ballet de la nuit, qui va dans le même temps souligner le retour d’exil de Mazarin, introducteur en France de l’opéra italien et d’artistes de sa péninsule natale. Mais le jeune Lulli (le « y » de son nom n’apparaîtra qu’à sa naturalisation), florentin de naissance modeste qui a appris la guitare et le violon, est déjà présent depuis 1646, amené par le Chevalier de Lorraine, Roger de Guise, chez la Duchesse de Montpensier dont les appartements sont aux Tuileries, avant de passer au service du Roi. 

A l’aide d’une documentation dont la bibliographie souligne la qualité en fin de volume, Bénédicte Palaux Simonnet resitue l’époque et ses particularités et évoque, avec clarté, les années de jeunesse du futur compositeur ; elle souligne sa proximité, dans l’aristocratique entourage de « la Grande Mademoiselle », avec des figures musicales du temps, notamment Etienne Moulinié, Pierre de Nyert ou Michel Lambert. Danseur chevronné comme on le sait, Louis XIV, qui a presque six ans de moins que Lully, se produit lui aussi dans ce Ballet de la nuit, et une relation privilégiée va se créer entre le souverain et le musicien. Une relation à l’origine d’une série de ballets du Florentin, qui vont être très appréciés. Lorsque Mazarin meurt en 1661, le Roi qui gouverne désormais « par lui-même », nomme Lully surintendant et compositeur de la musique de la Chambre ; c’est l’année de l’octroi de la nationalité française. 

A partir de cette date, l’ouvrage de Bénédicte Palaux-Simonnet brosse de Lully un vaste panorama chronologique, qui couple existence et création musicale. On démarre avec la naissance de la comédie-ballet, on assiste au travail commun avec Molière, qui engendre une fructueuse collaboration pour des œuvres aussi marquantes que Georges Dandin ou Le Bourgeois gentilhomme. Mais Lully, dont la renommée va bientôt dépasser les frontières, s’intéresse aussi à la musique religieuse, de Grands Motets voient le jour, dont le Miserere en 1664. D’autres pages sacrées jalonneront sa carrière, dont le Te Deum de 1677.

Les années 1670, endeuillées par la disparition de Molière, marquent aussi une autre ère, celle des tragédies en musique, qui débute par Cadmus et Hermione en 1673 et va occuper près de quinze ans de l’existence de Lully, avec, bientôt, une autre collaboration de taille, celle du librettiste Philippe Quinault. Au fil des pages, on suit pas à pas le compositeur dont chaque partition lyrique (Thésée, Atys, Isis…) est finement détaillée : synopsis et analyse, extraits musicaux à l’appui. La synthèse est vraiment éloquente. Bénédicte Palaux Simonnet n’oublie pas la direction de l’Académie royale de musique en 1672 ni de retracer, lorsque c’est le cas, les inévitables intrigues de cour, ni de rappeler que l’ascension comporte aussi des revers, comme la jalousie ou les vengeances, les moments de disgrâce, la vie privée de Lully offrant par ailleurs des occasions de lui nuire. L’accident fatal est relaté avec sobriété. 

Le portrait musical, humain et psychologique du compositeur est présenté avec les nuances qu’il réclame. Vu le format de la collection, la synthèse se révèle excellente et complète. Abondamment illustrée, enrichie d’un tableau synoptique, d’une bibliographie et d’une discographie sélectives, d’un index des noms et d’un index des œuvres, cette biographie de Lully se lit avec un vif plaisir, l’élégance de l’écriture s’ajoutant à la richesse documentaire.

Jean Lacroix

 

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