Fin de saison à l'OPMC avec Sergey Khachatryan, Juraj Valčuha, Renaud Capuçon et Josep Pons
Deux programmes symphoniques contrastés de l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo marquaient la fin de la saison symphonique.
Le concert symphonique donné le 11 juin par l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo s'intitule "Monumental". C’est un titre bien trouvé car le public monégasque a pu vivre le meilleur concert de la saison. L'OPMC était placé sous la direction du chef slovaque Juraj Valčuha avec, en soliste, le violoniste Sergey Khachatryan.
On ne présente plus Sergey Khachatryan, l’un des meilleurs violonistes du moment -sinon le meilleur- par sa technique impériale, par l’émotion qu’il transmet aux partitions et par la singularité et la personnalité de ses interprétations. Celle du Concerto pour violon de Beethoven est unique par sa totale maîtrise de l'instrument et sa projection d’un son à l’identité unique. Khachatryan est en osmose avec l'orchestre et le chef : pas de mouvements inutiles, de grimaces ou d'effets. Un vrai musicien qui sert l'essence divine de la composition. Le public est transporté et il offre après plusieurs rappels une page de Bach.
En seconde partie, Juraj Valčuha et l’OPMC se lancent à l’assaut de la monumentale Symphonie n°10 de Chostakovitch. Le chef en impose une interprétation époustouflante. Le tempo et l'équilibre de l'orchestre sont parfaits. Tout est clair, on entend parfaitement tout ce qui se passe entre les sections d’autant plus que cette partition sollicite tous les pupitres. C'est une performance magistrale, extraordinairement intense et engagée. L'OPMC est au meilleur de sa forme et la sonorité puissante et engagée fait penser aux grands orchestres russes de l'époque soviétique.
Pour le dernier concert de la saison, Renaud Capuçon revient sur la scène de l’Auditorium Rainier III alors que l’orchestre est placé sous la direction de l'excellent Josep Pons. On ne présente plus Renaud Capuçon : la "star" du violon en France. Le musicien est infatigable : il donne 120 concerts par an et il occupe les fonctions de directeur artistique du Festival de Pâques à Aix-en-Provence, des Rencontres Musicales d'Evian, des Sommets Musicaux de Gstaad tout en assurant la conduite artistique de l'Orchestre de Chambre de Lausanne... Où trouve-t-il toute cette énergie ? Chaque concert est réussi, il assure un répertoire immense, en tant que soliste et chambriste.
Il termine la saison à la Philharmonie de Monte-Carlo dans un programme d'esprit principalement français. Deux œuvres jumelles, le Poème Élégiaque du compositeur belge Eugène Ysaÿe et le Poème d'Ernest Chausson. Le Poème Élégiaque a été composé en 1893 et il est dédié à Gabriel Fauré. C'est une œuvre sombre, dramatique, intense. La partition s'ouvre sur un thème qui utilise la scordatura, une manière différente d'accorder l'instrument. Elle modifie la tension des cordes et produit des effets sonores inhabituels. Il y a ensuite un thème funèbre, pathétique et solennel. Le Poème doit pleurer et chanter, c'est un tableau abstrait qui doit susciter une grande émotion. Il se termine par une conclusion très virtuose.
Renaud Capuçon arrive sur scène avec son charisme habituel. Il joue le morceau dans un tempo très rapide. Il y a un décalage avec l'orchestre, qui joue trop fort et le noie. Auraient-ils sous-estimé les difficultés de l'œuvre ? La partition du Poème de Chausson fut commencée en 1892 et est dédiée à Eugène Ysaÿe. C'est un des morceaux les plus connus du répertoire et qui est au programme de tous les violonistes. Renaud Capuçon est plus à l'aise, même si on ressent quelques signes de fatigue, il livre une prestation raffinée.
Petite surprise pour le bis, il revient sur scène et rejoint les pupitres des harpistes et donne en bis la Méditation tirée du Thaïs de Massenet. C'est un de ses morceaux de prédilection et il en donne une interprétation de toute beauté.
Josep Pons avait commencé le concert avec la Suite orchestrale de l'Arlésienne de Bizet. Si l’orchestre est précis rythmiquement, il manque la touche magique qu'on a ressenti sous la direction des deux derniers chefs invités, Juraj Valcuha et Lio Kuokman. Changement de ton après la pause : Josep Pons donne une interprétation lumineuse des deux premiers Nocturnes de Claude Debussy. L'orchestre le suit avec dévouement, discipline et respect.
On monte encore d’un cran avec la Suite n°2 de Daphnis et Chloé de Maurice Ravel. L'orchestre est au sommet et livre une performance époustouflante, intense, magique, où chaque partie est claire. Bravo pour la flûtiste pour sa belle interprétation de ce solo formidable !
Monte-Carlo, Auditorium Rainier III, 11 et 25 juin
Carlo Schreiber
Crédits photographiques : Juraj Valčuha / DR