Mozart, Donizetti, Verdi : des quatuors d’essence lyrique pour le Pacific Quartet Vienna 

par

Szenen ohne Worte. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Quatuor à cordes n° 19 en do majeur K 465 « Dissonances ». Gaetano Donizetti (1797-1848) : Quatuor à cordes n° 17 en ré majeur. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Quatuor à cordes en mi mineur. Pacific Quartet Vienna. 2024. Notice en allemand et en anglais.  62’ 50’’. Solo Musica SM 466. 

En activité depuis une bonne dizaine d’années, le jeune Pacific Quartet Vienna, qui se partage entre Vienne et Zurich, est constitué par le Japonais Yuta Takase et le Suisse Simon Wiener (violons), la Taiwanaise Chin-Ting Huang (alto) et la Suissesse Sarah Weilenmann (violoncelle). Il s’est fait remarquer par des enregistrements parus sous le label autrichien Gramola, dans des répertoires éclectiques où se côtoient aussi bien Haydn, Beethoven, Schubert, Brahms, Bartók ou Webern, que des compositeurs moins fréquentés, comme Martin Derungs ou Toshiro Mayuzumi. Cette fois, pour Solo Musica, l’ensemble se consacre à des quatuors de trois compositeurs, et non des moindres, qui se sont illustrés brillamment dans le domaine de l’opéra. L’intitulé de l’album évoque, à la manière d’un clin d’œil, une autre facette de la carrière de Mozart, Donizetti et Verdi, celle de la musique de chambre, où se développent, à des degrés divers, des « scènes sans paroles ».

Composé à Vienne en moins d’une semaine, au début du mois de janvier de l’année 1785, le Quatuor n° 19 « Dissonances » de Mozart doit son titre et sa célébrité à cet étonnant Adagio initial avec dissonances surprenantes, frottements et instabilités, qui précèdent un Allegro au développement limpide et d’une grande densité, avec de prolixes échanges instrumentaux. La poésie lyrique s’installe dans l’Andante cantabile, chantant et élégiaque. Suit un bref Menuetto très nuancé, dans un alliage de gaieté et d’âpreté, avec un beau solo du premier violon. L’Allegro molto final, plein de joie et de pétillance, conclut l’œuvre par une coda brillante. Le Pacific Quartet Vienna en livre une lecture équilibrée, à la fois transparente et intense, mais au sein de laquelle l’émotion est parfois un peu bridée.

L’émotion est très présente, par contre, dans le Quatuor n° 17 de Donizetti, qui date de 1825. Le compositeur bergamasque avait déjà composé seize quatuors entre 1817 et 1821. Le dix-septième est traversé par un grand souffle lyrique qui dévoile la profonde nature du créateur d’opéras. L’Allegro initial frémit de contrastes entre contemplation et côtés dramatiques, alors que le Larghetto cantabile installe une atmosphère nocturne accompagnée par des pizzicatos. Le Menuet déborde de vitalité, avant un final Allegro qui s’inspire de thèmes populaires. Une partition très attachante, servie avec allant, légèreté et un ton lyrique bien dosé par les interprètes. Ils rejoignent en qualité la version récente du Quatuor Delfico, qui a gravé les trois derniers quatuors de Donizetti en 2020 (Brilliant, 2023).       

Comme l’écrit Bernard Fournier dans son Panorama du quatuor à cordes (Fayard, 2014), l’unique quatuor de Verdi, composé en trois semaines au printemps 1873, qui passe pour un opéra de chambre sans paroles […] témoigne d’une réelle assimilation du genre. Fournier souligne, du côté de l’opéra, des effets théâtraux, des stylisations d’air accompagné ; du côté du quatuor, un bon équilibre entre écriture dialogique et polyphonique, entre contrepoint et homophonie, un habile traitement des formes de l’architecture de sonate, une qualité expressive qui, en particulier dans l’Andantino, sait trouver un ton d’intimité propre au médium (p. 190-191). Cette partition s’inscrit dans la période où Aïda est jouée à Naples, et la première intention de Verdi sera de ne pas publier ce quatuor, qu’il considère comme marginal dans sa production. On ne peut qu’aller à l’encontre de cet avis qui relève de trop de modestie : l’écoute procure un vrai plaisir, et on peut percevoir dans le quatrième mouvement en forme de fugue un Scherzo pétillant dans lequel on a vu une sorte de préfiguration du final du futur Falstaff. Le Pacific Quartet Vienna enlève ce Verdi insolite avec un brio communicatif et un vrai sens du dialogue. On se souviendra que le Quatuor Hagen en a laissé une version de référence (DG, 1995). Celle-ci s’en approche qualitativement.

Son : 8,5    Notice : 8    Répertoire : 10    Interprétation : 8,5

Jean Lacroix       

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