Musical ou commercial ?

par

Béla Bartók (1881-1945) : Concerto pour deux pianos, percussions et orchestre
Franz Schubert (1797-1828) : Fantaisie en fa mineur op.103
Claude Debussy (1862-1918) : En blanc et noir
Manuel Infante (1883-1958) : Sentimento, extrait des Danses andalouses
Francis Poulenc (1899-1963) : Elegie (en accords alternés) pour deux pianos
Witold Lutoslawski (1913-1994) : Variations sur un thème de Paganini
Johannes Brahms (1833-1897) : Danse hongroise n°5 n fa dièse mineur (arr. G. et S. Pekinel)
Darius Milhaud (1892-1974) : Scaramouche : III. Brazileiras
Enregistré en direct du Teatro del Maggio Musicale Fiorentino (2012) et du Ludwigsburg International Music Festival (2010)
Güher et Süher Pekinel, pianos, Orchestra del Maggio Musicale Fiorentino, dir. Zubin Mehta
2014 – DDD – CD (61'') + DVD (111'') – Textes de présentation en anglais, français (!), allemand – Arthaus Musik 102 191

La pochette et le livret incitaient déjà à la méfiance. On n'y voit ni l'orchestre, ni les compositeurs, mais les jumelles Güher et Süher Pekinel, pianistes turques nées en 1953, représentées pas moins de dix fois dans des photographies aguicheuses. On comprend mal, d'ailleurs, l'intérêt de ce CD/DVD, qui réunit tous les « tubes » du répertoire pour deux pianos sans y chercher de fil conducteur. Mais soit, écoutons. La sonate pour deux pianos et percussion de Bartók, rebaptisée « concerto » lorsque, par la suite, il ajouta une partie d'orchestre, est la pièce principale du programme, œuvre colorée, volcanique, foisonnante. Les sœurs Pekinel y font preuve d'une grande virtuosité. Et puis la cohésion entre elles est parfaite ; il faut dire qu'elles jouent ensemble depuis plus de cinquante ans ! Cela mis à part, on n'a ni rythmique, ni construction, ni plans sonores, ni couleurs. Juste un flux continu sans tension ni détente, un jeu ennuyeux à l'apparence impeccable. Pourtant le chef Zubin Mehta, avec la lisibilité qu'on lui connaît, obtient de belles couleurs de l'orchestre ; hélas, les deux pianistes n'écoutent rien d'autre qu'elles-mêmes, et il doit se contenter de les suivre docilement. A l'image de l'arrangement de la 5e Danse hongroise de Brahms, le reste du programme est d'un mauvais goût accablant. L'ego des pianistes prend le pas sur la musique. La palme du ridicule revient toutefois au livret qui, en une page d'un français approximatif, étale les pires lieux communs sur Bartók, avant de passer à trois pages de panégyrique sur les sœurs Pekinel : on y apprend, entre autres, qu'elles se fient à leur « sixième sens », et qu' « on croirait entendre une divinité indienne à quatre bras » (sic!). Ne leur a-t-on pas dit que, de toutes les qualités de l'interprète, la première est la modestie ?
Quentin Mourier

Son 8 - Livret 2 - Répertoire 8 - Interprétation 4

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