Musique du Silence avec Guillaume Coppola

par

Federico Mompou (1893-1987) : Música Callada n° 1 « Angelico », n° 15 « Lento - plaintif », n° 22 « Molto lento e tranquilo », n° 24 « Moderato » ; Paisajes ; Impresiones intimas, « Secreto » ; Prélude n° 7 « Palmiers d'étoiles » ; Maurice Ravel (1875-1937) : Prélude; Erik Satie (1866-1925) : Gymnopédie n° 1 ; Gnossienne n° 5 ; Henri Dutilleux (1916-2013) : Prélude n° 1 « D’Ombre et de lumière » ; Alexandre Scriabine (1871-1915) : Préludes op. 16 n° 4 ; op. 11 n° 15 ; Frédéric Chopin (1810-1849) : Prélude op. 28 n° 4 ; Toru Takemitsu (1930-1996) : Pause ininterrompue n° 3 « A song of love » ; Claude Debussy (1862-1918) : Suite bergamasque, « Clair de lune » ; Prélude, 2e livre, « Feux d'Artifice » ; Enrique Granados (1867-1916) : Danzas españolas n°2 « Oriental ». Guillaume Coppola, piano. 2019, notice en français et anglais. 59’54. Eloquentia, EL1857.

Avec ce disque, Guillaume Coppola se montre à la fois poète et constructeur. Poète par ses idées et par la finesse dans la manière de les articuler. Au départ, il y a la Música Callada (Musique du silence) de Federico Mompou (1893-1987). Sur la conception même de la « musique du silence », il se pose d’emblée quelques questions : « Provocation ? Défi ? Exercice de style ? », avant de donner répondre lui-même : « Pour Mompou, rien de tout cela. […] Il cherche alors à exprimer : “l’idée d’une musique qui serait la voix même du silence. La musique gardant pour soi sa voix ‘callada’, c’est-à-dire ‘qui se tait’ pendant que la solitude se fait musique” ».

Il choisit quatre pièces de Música Callada (n° 1, 15, 22, 24) et d’autres pièces du compositeur (Préludes n° 5 et 7, extraits de Paisajes et des Impresiones intimas), ainsi que des œuvres d’autres compositeurs par lesquels Mompou a été influencé, ou encore des pièces qui, aux yeux du pianiste, semblent s'appeller  mutuellement. Chaque pièce entre ainsi en résonance avec les autres, souvent avec celle qui se trouve immédiatement avant ou/et après. Elles sont choisies par affinité ou proximité de style, de tonalité, d’harmonie ; l’enchainement est fluide, sans interruption, comme s’il s’agissait d’un grand cercle qui tourne perpétuellement. C’est là que Guillaume Coppola révèle son talent de constructeur. Non pas qu’il bâtisse une forteresse, mais il juxtapose un par un des éléments semblables mais subtilement différents. Une sorte de labyrinthe où l’on se perd tranquillement, de forêt où les arbres forment une dentelle aérée, presque transparente. Là, notre esprit, tel le vent, peut circuler librement, nos idées, telles les feuilles, gazouillent sans bruit…

Ce silence, les doigts du pianiste l’expriment avec une délicatesse infinie. La première Música Callada intitulée « Angelico » arrive de nulle part, avec une mélodie courte, plaintive et lente. Le silence est lancé. Malgré le tempo lent exigé par chaque musique, on ne ressent aucun statisme, aucune nonchalance. Paradoxalement, l’interprétation revêt un dynamisme. Guillaume Coppola joue ici l’équilibriste musical, use de l’art des dosages. Lorsqu’un mouvement apparaît, c’est pour mieux apprécier le silence telle une brise rafraîchit la sensation. L’excellente prise de son, ni trop près ni trop loin, qui souligne la beauté du son, participe à ce jeu d’équilibre qui fait merveille. Les photos-portraits du pianiste par Lyodoh Kaneko, mué en photographe lorsqu’il n’est pas au violon dans l’Orchestre National de France, concrétise quant à elles l’intériorité du programme.

Ce disque détend l’esprit et vous invite dans un voyage intime et profond. On le retrouve volontiers après une longue journée de travail ou avant de dormir, pour se ressourcer en puisant dans sa propre énergie silencieuse.

Son : 9 - Livret : 9 - répertoire : 10 - Interprétation 9

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