Auber en ouvertures

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Daniel-François-Esprit AUBER (1782-1871)  : Ouvertures et extraits orchestraux : Le Maçon ; Le Timide ou Le Nouveau Séducteur ; Leicester ou Le Château de Kenilworth ; Le Séjour militaire ; Emma ou La Promesse imprudente ; La Neige ou Le Nouvel Eginhard ; Le Testament et les Billets doux ; La Bergère châtelaine. Orchestre de chambre de la Philharmonie de Pardubice, sous la direction de Dario Salvi. 2019. Livret en anglais et en français. 64.50. Naxos 8. 574005.

Après avoir mis récemment à la disposition des mélomanes son charmant ballet La Sirène, le label Naxos, qui ne recule pas devant les entreprises de longue haleine, publie le premier volet d’une intégrale des Ouvertures d’Auber, celles de ses 31 opéras-comiques, sept opéras, trois drames lyriques et sept musiques de scène.

Né à Caen, le jeune Auber, dont le père est maître des chasses de Louis XVI, est envoyé à Londres en vue d’une formation commerciale ; mais c’est la musique qui l’intéresse, il s’y est déjà initié et compose des mélodies. A vingt ans, il retourne à Paris et devient l’élève de Cherubini. Pendant sa longue existence, et ce dès 1813, il écrira un grand nombre d’œuvres lyriques, travaillera souvent avec le librettiste Eugène Scribe, et connaîtra son plus grand succès en 1828 avec La Muette de Portici qui jouera, on le sait, un rôle important deux ans plus tard lors des émeutes bruxelloises du 25 août. 

Les partitions qui composent ce premier volet de la future intégrale datent des années 1813 à 1826. Le tout premier opéra d’Auber, Le Séjour militaire, ne rencontre pas un grand succès malgré sa vivacité et ses accents rossiniens. Le Testament et les Billets doux de 1819, avec son influence haydnienne, ne reçoit qu’un accueil poli. Mais dès l’année suivante, avec La Bergère châtelaine dont le CD nous livre, en plus de l’ouverture, les entractes des actes II et III, Auber s’installe comme un compositeur reconnu d’opéra-comique qui allie l’élégance, les aspects pastoraux et la simplicité mélodique, dans la veine de Mozart et, à nouveau, de Rossini. Sa carrière est lancée. Parmi les pages retenues pour le présent programme, c’est sans doute Leicester, ou Le Château de Kenilworth de 1823 qui retiendra le plus l’attention. C’est la première des trente-huit collaborations d’Auber avec Scribe ; elle s’appuie sur un roman de Walter Scott. Dans un climat solennel et théâtral, le contexte rappelle l’éviction du favori de la Reine Elisabeth I d’Angleterre, Robert Dudley. Auber soigne la partie des cordes et fait intervenir avec finesse clarinettes, cors et harpe. On entend aussi l’entracte de l’Acte III, empreint de mystère. Les sujets historiques vont se succéder, dans l’Allemagne de la Restauration pour Emma ou La Promesse imprudente de 1821, à la cour de Souabe pour La Neige ou le Nouvel Eginhard de 1823, ou à Paris dans Le Maçon de 1825, avec pour toile de fond des amours contrariées et l’emprisonnement d’une jeune Grecque à l’ambassade de Turquie.

 L’écriture d’Auber est placée sous le signe de la clarté et de la légèreté françaises. De nos jours, certaines ouvertures apparaissent de temps à autre sur des affiches de concerts : Le Domino noir (1837), Les Diamants de la Couronne (1841), Fra Diavolo (1830), Le Cheval de bronze (1835) ou La Muette de Portici. On se souvient des versions éblouissantes des trois dernières par Paul Paray à la tête du Symphonique de Detroit pour Mercury. Auber décèdera à Paris, où il était à la tête du Conservatoire depuis près de trente ans. Il y avait succédé à son maître, Cherubini. Après sa disparition, son œuvre très abondante va tomber peu à peu dans l’oubli. Elle a cependant jeté les bases du grand opéra historique français. 

Ce premier panorama du projet Naxos a été confié à l’Orchestre de Chambre de la Philharmonie de Pardubice, une ville de Bohême orientale située à une centaine de kilomètres à l’est de Prague. Cette cité est fière de son université et de ses nombreuses industries, mais aussi d’un célèbre steeple-chase et d’une compétition internationale de motocross. Pardubice, qui entretient des liens d’amitié avec la commune belge de Waregem, est le siège d’une Philharmonie qui a connu comme premier directeur musical Libor Pesek et a accueilli aussi à sa tête Marco Armiliato ou Maris Janssons. C’est le chef Anglo-italien Dario Salvi, spécialisé dans des programmes de partitions rares, musique viennoise y compris, qui officie ici. Malgré l’investissement, la motivation et la volonté d’enrichir le répertoire, il n’arrive pas à convaincre l’auditeur de la nécessité de s’attarder à ces pages d’Auber au-delà d’une phase dite « de découverte ». La phalange qu’il dirige joue de façon assez routinière, sans l’élan, l’ardeur ou le dynamisme enlevé qui emporteraient l’adhésion. On classera donc ce CD au rang des curiosités. On soulignera, à l’actif de Naxos, la traduction du livret en français. C’est bien utile dans le cas présent.

Son : 7   Livret : 9    Répertoire : 7  Interprétation : 7

Jean Lacroix         

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