Nouvel an à l'OSR

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Au cours de chaque saison, les Amis de l’Orchestre de la Suisse Romande organisent deux soirées symphoniques, dont un Concert de l’An ; l’aide financière de la Fondation Francis & Marie-France Minkoff leur permet d’inviter ainsi un chef et un soliste de renom. C’est pourquoi, le 15 janvier, l’on a fait appel à Ludovic Morlot, chef émérite de l’Orchestre Symphonique de Seattle, et à Renaud Capuçon qu’il n’est plus nécessaire de présenter.

La première partie du programme est consacrée à Antonin  Dvořák  et débute par une oeuvre peu connue, la Suite en la majeur op.98 dite ‘Américaine’, conçue pour piano en 1894 et orchestrée l’année suivante avec le numéro d’opus 98b. Du Moderato initial se dégage une tendresse nostalgique qui assouplit les fins de phrases mais qui se perd dans l’entrelacs des variations, brouillonnes dans leur enchaînement, ce que tente de corriger le Vivace subséquent par l’articulation de ses tutti. Grâce à l’intervention des bois, l’Allegretto paraît sautillant, tandis que les cordes enveloppent la berceuse de demi-teintes qui se corsent  d’élans exubérants pour une gavotte qui se veut pompeuse. Mais que cette page semble terne et peu inspirée par rapport aux deux premières Danses slaves de l’opus 72, élaborées en 1886, cultivant les contrastes afin de laisser affleurer la veine lyrique ; et les deux dernières de l’opus 46, datant de 1878, jouent de nonchalance déhanchée pour parvenir à un furiant enlevé avec panache. 

La seconde partie se focalise sur la musique de cinéma ; et Renaud Capuçon a la judicieuse idée de présenter le Concerto en ré majeur op.35 qu’Erich Wolfgang Korngold ébaucha aux Etats-Unis en 1937 sous l’impulsion de son père, le redoutable critique viennois Julius Korngold, laissa de côté pendant huit ans, puis reprit en 1945 à l’instigation du grand violoniste Bronislaw Huberman. Mais c’est Jascha Heifetz, le dédicataire, qui en assura la création le 15 février 1947 avec l’Orchestre Symphonique de Saint Louis dirigé par Vladimir Golschmann. Renaud Capuçon impose une sonorité ample et soyeuse au cantabile citant la musique des films Another Dawn avec Errol Flynn et Juarez avec Bette Davis ; sa maîtrise du rubato l’amène à négocier les traits redoutables culminant sur une cadenza avec force doubles cordes ; et c’est par la beauté de la ligne de chant que se déroule la Romance au tour élégiaque tirée d’Anthony Adverse avec Fredric March et Olivia de Havilland. Par contre, le Finale basé sur The Prince and the Pauper avec Flynn et Claude Rains met à mal la cohésion de l’ensemble avec un orchestre pachydermique et un soliste perdant par moments la justesse d’intonation alors qu’il est confronté à des passaggi virtuoses d’une rare difficulté. 

Finalement l’équilibre se rétablit avec quatre musiques de film où l’orchestre se confine dans un canevas neutre soutenant un violon solo chantant avec générosité Korngold (The Adventures of Robin Hood), John Williams (Schindler’s List), John Barry (Out of Africa) et un Ennio Morricone si émouvant (Cinema Paradiso).                           

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, le 15 janvier 2020

Crédits photographiques : Simon Fowler

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