Concertos danois du XIXe siècle 

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Concertos danois du XIXe siècle : Friedrich KUHLAU (1786-1832) : Concerto pour deux cors et orchestre op. 45 (c. 1822) et Ouverture pour William Shakespeare op. 74 (1825-26) ; Christian Frederik BARTH (1787-1861) : Concerto pour hautbois et orchestre op. 12 (c. 1823) ; NIELS W. GADE (1817-1890) : Capriccio pour violon et orchestre, orchestration Carl Reinecke (1878). 2020. Livret en anglais et en danois. 53.56. Super Audio Dacapo 6.220664.

Les mélomanes avides de découvertes de qualité vont être gâtés par ce magnifique programme de musique romantique danoise, d’autant plus qu’il ne s’agit pas de compositeurs dont les disques encombrent les bacs des disquaires, et que le déploiement sonore est au rendez-vous. Une première mondiale est même là, en guise de cadeau pour ce début de 2020.

Il s’agit du Concerto pour hautbois et orchestre de Christian Frederik Barth, le moins connu du présent programme. Et pour cause ! Même la notice, peu prolixe à son sujet, ne nous apporte pas beaucoup d’éléments sur ce musicien qui fait partie d’une famille de hautboïstes. Est-il le fils de Christian Samuel Barth (1735-1809), qui fit carrière en Allemagne avant d’être engagé dès 1786 à la Chapelle de la Cour de Copenhague, où il décéda ? C’est une piste, avancée par certaines sources (mais pas confirmée dans la notice elle-même). Peu importe, ce concerto au charme souverain en trois mouvements débute par un Adagio élégiaque, qui comporte d’astucieuses variations de tempo avant un délicat Moderato qui débouche sur un Allegro ensoleillé. « De la belle ouvrage », pourrait-on dire pour faire un effet stylistique (pas vraiment accepté par les grammairiens pointus), mais puisqu’on est en plein cœur d’une partition joyeuse et enlevée, osons les termes. Il est bon, parfois, de savourer des minutes (ici, un peu plus de douze) qui apportent du baume au cœur, baume distillé par le hautbois raffiné d’Olivier Nordahl. 

Même remarque pour le Capriccio pour violon et orchestre de Nies W. Gade. Ce fils d’un facteur d’instruments eut le privilège de voir sa Symphonie n° 1 (1841-1842) créée par Mendelssohn au Gewandhaus de Leipzig, où Gade sera lui-même nommé kapellmeister au décès du compositeur du Songe d’une nuit d’été. Mais il rejoindra bientôt le Danemark où il deviendra l’un des principaux animateurs de la vie musicale. Son œuvre est abondante, d’où se détachent huit symphonies et maintes partitions pour orchestre, mais aussi des ballets, des cantates, de la musique de chambre, vocale ou pour piano. Souvent inspiré, Gade mériterait une plus grande attention, ce que confirme le présent enregistrement du Capriccio pour violon, une page d’un peu plus de neuf minutes, qui concentre des aspects d’une séduisante expressivité et un jeu violonistique d’une grande clarté. Porté par l’archet de Ian van Rensburg, il se déroule dans une atmosphère brillante qui bénéficie de l’orchestration subtile de Carl Reinecke -qui fut lui aussi à la tête de l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig pendant 35 ans.

Quant à Friedrich Kuhlau, Danois d’origine allemande qui travailla longtemps à Hambourg, il se rendit à Copenhague dès 1810 et devint musicien de Cour trois ans plus tard. Le présent CD se clôture par l’ouverture destinée à son drame de 1826, William Shakespeare, une partition vaillante et énergique qui semble faire la synthèse entre les différents aspects de la personnalité du grand écrivain anglais, à la fois dramatique, tragique, comique ou lyrique. Le Concerto pour deux cors, qui ouvre ce programme inhabituel, est une partition fastueuse d’un peu plus de vingt-deux minutes en cinq mouvements, que Kuhlau a écrite pour le virtuose de l’instrument Joseph Gungl et le fils de ce dernier, dont la technique l’avait enthousiasmé. Kuhlau était connu (et apprécié) pour s’être largement inspiré d’autres créateurs, dont Beethoven, son premier concerto pour piano en étant un exemple. Cette fois, ce sont des thèmes provenant d’un concerto pour clarinette de Crusell auquel il emprunte des idées. Quoi qu’il en soit, on découvre une partition d’une grande beauté mélodique, riche de timbres, laissant les deux cors se mouvoir avec élégance et chaleur dans un contexte enrichi par les cordes et les timbales, et s’entrelacer dans un univers enchanté qui incite à la rêverie et à la langueur, avant de s’épanouir dans des passages éloquents, charnus ou veloutés, et des tutti orchestraux maîtrisés. On se laisse prendre au jeu, car les deux solistes, Lisa Maria Cooper et Flemming Aksnes, se lancent dans un exercice complice et homogène.

Les virtuoses cités pour ces diverses partitions ont tous participé à l’aventure de l’Orchestre Symphonique d’Aarhus. Cette ville, la plus peuplée du Danemark après Copenhague, est située sur la côte est de la péninsule du Jutland et a eu l’honneur d’être capitale européenne de la culture en 2017. Marc Soustrot en est le chef permanent depuis 2015. La phalange est menée ici par un autre Français, Jean Thorel, défricheur passionné de partitions rares (il en aurait créé 700 !), qui a été le premier chef de l’Hexagone à enregistrer avec l’Orchestre National de Russie. Jean Thorel enlève ce superbe CD avec fougue et panache, soucieux de l’équilibre des pupitres et de leur couleur spécifique, lors de séances d’enregistrements qui se sont étalées entre avril et juin 2018. Le son, ample et généreux, est exemplaire. Un regret quand même : le minutage, réduit à 53 minutes. L’ajout d’un autre concerto danois méconnu aurait été possible et bienvenu ! 

Son : 10.  Livret. : 10   Répertoire : 8.  Interprétation : 10

Jean Lacroix

 

 

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